LE NOUVEL OBSERVATEUR n°2438 - Page 6 - 5 LeNouvelObservateur28 juillet 2011 - n° 2438 Un tueur solitaire ? Certes.Jusqu’àplusampleinformé, iln’yaderrièreleterroristed’Osloaucuneorganisation, aucunréseauarmé,aucuncomplotténébreux.L’homme aagiseul,surlafoid’obsessionspersonnelles,pourvivre l’ordaliedesonfantasme.Maisàenresterlà,onmanque l’essentiel :AndersBehringBreivik,toutsolitairequ’il soit,toutdéséquilibréqu’ilpourraitparaître,estaussi l’hommed’uneépoque,lesymptômed’unepathologie ; enunmot,lapremièreincarnationd’unspectrequi commenceàhanterl’Europe. Pointd’amalgamedanscediagnostic.Ilnes’agitpasici d’accuserteloutelpopulismequirestedansunestricte légalité,destigmatisertousceuxquiseréfèrentàla nationouquicritiquentl’islam,niderendreleFront national–auquelonpensenaturellementquandils’agit d’hostilitéenverslesétrangers–responsabled’actesqu’il atoujoursréprouvéssansambiguïté.Ilnes’agitpasnon plusd’incriminer,selonlaméthodedelacausalitéfloue quiautorisetouteslesconfusions, « uneatmosphère », qu’onqualifieraévidemmentde « nauséabonde »,un climatd’« intolérance »instauréparceuxquis’inquiètent del’immigrationouquiseréfèrentàl’identiténationale etaveclesquelsonrompthabituellementdeslances. Non,Guéant,Sarkozy,MénardouZemmournesontpour riendanslesévénementsd’Oslo.ElisabethLévynonplus. Non,ils’agitd’êtrebeaucoupplusprécis.Tueurrationnel, organisateursolitairemaisdiablementméticuleux, AndersBehringBreiviks’estlonguementexpliqué– 1 500pages !–dansletextequ’ilamisenlignequelques heuresavantdepasseràl’acte.Chacunpeutainsi constaterqu’ilaagisurlabased’unraisonnementet mêmeenfonctiond’uneidéologie,sommaire,certes, maisaussi,commetouteidéologie,construiteetdotée d’unecertainecohérence.L’obsessionidentitaireen formelesoubassement.Cetteidentité,européenneet chrétienne,seraitmenacéedanssonêtreprofondpar uneinvasionmusulmaneprogressiveetsubreptice,qui finiraparimposerauxEuropéens,paralysésetsubjugués, unmodedevieetdesvaleursquisontàl’opposédeleurs traditionsetdontilsneveulentpas.Sourcedetous lesmaux,ajoute-t-on,doctrinedeconquêtequiproduit lepiétismeobscurantisteaussibienqueleterrorisme, l’islamdoitêtredénoncésansrelâche.Danscettetâche prophylactique,ons’appuienonseulementsurles anciennestraditionschrétiennes,maisaussisurles acquis« occidentaux »lesplusmodernes,comme lalaïcité,l’égalitéhommes-femmesoulatoléranceenvers leshomosexuels. Dans cette vision paranoïaque et haineuse,la conquêteencoursasescomplicesetsesidiotsutiles : leshumanistesdetouspoils,lesantiracistes,lesélites libéralesetploutocratiques,lagaucheuniversalisteet, aupremierchef,lasocial-démocratieeuropéenne,alliée principaledu« communautarisme »honni.Tousces L’école de la haine l’éditorial de laurent joffrin courantsserésumentenunseulquiestlepoisonde l’Europeduxxie siècle :lemulticulturalisme,doctrine pernicieusedescollabosdelaconquêtemusulmane. Acetteentreprisehistoriquequiaugureladisparition d’unecivilisationauprofitd’uneautre,poursuiventles identitairesmodernes,ilfautopposerlafoietl’énergie descroisés.Cen’estpasseulementpargoûtdufolklore ouparimitationdesjeuxvidéoqueBreivikseréclamait desTempliers.CommeauMoyenAge,ilappelaitaussi àlaguerrereligieuse,culturelle,politiqueetsocialeet, endéfinitive,àlaguerrecivile.CharlesMartelforever ! C’esttrèsconsciemment,enfin,queBreiviks’estattaqué àdejeunessocialistes,àsesyeuxlesagentsactifs dumulticulturalisme,c’est-à-diredelapénétration musulmane.Ainsi,unenouvelleextrême-droiteactiviste estenpassedevoirlejour,aprèsuneincubationplus oumoinslongue,dontletueurd’Osloestpeut-être leprécurseur. Où trouve-t-on les traces de ce nouveau fanatisme ? Surinternet,biensûr.Nonqueleréseausoitresponsable dequoiquecesoit.L’accuserseraitaussiridiculeque d’incriminerletéléphoneparcequedeuxterroristessesont appeléssurleurmobile.MaislaToileestunmoyende diffusionmoinscontrôlédontlecoûtestàpeuprèsnul. Toutactiviste,toutmilitant,toutprosélyte,delapêche àlamouchecommeduterrorismechimique,yrecourt naturellement.EnFrance,troissitessesontfaitune spécialitédel’idéologieantimusulmanecontemporaine : FrançoisDesouche,BlocidentitaireetRipostelaïque. Pointdeterroristes,évidemment,chezcesgens-là.Mais uneagressivitéverbaletellequ’ellefinitpardistillerune sémantiquedeguerrecivile.Nondanslespagesd’accueil oudanslestextesprogrammatiques,quirestenttenuspar uneobligationderéservepublique.Maisdanslesforums dedébatshypocritementlaisséssouslaresponsabilitédes contributeursetdontonnecomprendpasquelespouvoirs publicsleslaissentlibresderépandrediffamationet injuresraciales.Danscettesous-culturedelahaineet del’anonymat,lesmusulmanssontunennemiatavique. Onlesappelle « lesmuzz »,maisaussi« lesrats »ou « lesblattes »,etl’onattendavecimpatience « l’épouillement del’Europe ».Onanticipelafutureguerrecivile.Onévoque l’exemplelointaindeRichardCœurdeLion,roicroisé, oudeGodefroideBouillon,massacreurdemusulmans àJérusalem.Bref,onpréparel’affrontementviolent. Phénomènesmarginaux ?Leblog« fdesouche »,pour prendreunexemple,réunitautantdemondequecertains sitesd’infoouquelesportailsdespartispolitiques classiques.MarineLePens’yréfèreavecunecertaine admiration.LaToilerecèledesforumsdecegenredans toutlecontinent.Sousl’apparencedudéfoulementverbal, c’estuneécoledelahainequis’estouverteàl’échelle européenne.UneécoledontAndersBehringBreivikétait l’élèveassidu.L.J. Une nouvelle extrême- droite activiste est en passe de voir le jour, après une incubation plus ou moins longue, dont le tueur d’Oslo est peut- être le précurseur. LeNouvelObservateur28 juillet 2011 - n° 2438 Le 30 juillet, malgré la contestation qui a agité le pays, les dignitaires du régime feront allégeance au roi comme à chaque fête du Trône. Qui est donc ce monarque dont les sujets osent à peine prononcer le nom ? Sara Daniel explore la face cachée de cet homme plein de mystères qui prétend réformer la monarchie Maroc Mohammed VI, l’intouchable ? L’enquête Le roi Mohammed VI avec son fils Moulay el-Hassan et son frère Moulay Rachid, le 9 mars 2011 niv-sipa 7 LeNouvelObservateur28 juillet 2011 - n° 2438 retranche derrière la monarchie consensuelle, ses rites et ses fastes. La hiba, ce sentiment de crainte et de déférence qui faisait courber l’échine aux sujets de Hassan II, a rejailli sur son fils parce que le makhzen, l’ « Etat » marocain, y trouve son compte. Il suffit pour s’en convaincre d’observer ces directeurs d’entreprise qui, recevant un coup de fil du palais, se dressent soudain au garde-à- vous alors que leur interlocuteur ne peut pas les voir... Dans ce pays où l’identité nationale s’est construite autour de la monarchie, M6 a beau avoir abdiqué son caractère sacré, il reste magique aux yeux de ses sujets. Après le résultat du référendum, malgré la chaleur de l’été, l’aristocratie respire. C’est la monarchie et la vénération qu’elle suscite chez les Marocains qui retarde l’heure des comptes. Voilà pourquoi, dès qu’on pose la question la plus anodine sur Sa Majesté, on vous regarde comme si vous aviez commis la pire des inconve- nances. Il ne faut pas donner un « corps au roi ». L’homme, pourtant, a une histoire, lourde et plei- ne de secrets. Il fallait le voir le 17 juin dernier. C’était le jour le plus important de son règne. Mais, comme souvent, il donnait l’impression de vouloir être ailleurs… Ce soir-là, vers 20 heures, le Com- mandeur des Croyants s’engage à limiter ses pou- voirs et à instaurer une monarchie parlementaire. Un discours historique. Mais le roi avale pénible- ment sa salive et se lance dans une récitation fas- tidieuse des articles de loi, les yeux rivés sur ses papiers. « Cher peuple, je m’adresse à toi pour renouveler notre pacte par une nouvelle Constitu- tion… » M6 a toujours détesté parler en public. Son premier discours, il l’a prononcé en tremblant à l’âge de 7 ans devant des agriculteurs, sous le re- gard impitoyable de son père. L’ombre d’Hassan II est toujours là, écrasante. Et chaque péroraison ravive le souvenir de ces V ous n’allez pas écrire que le roi aime le risotto ? », supplie le cuisinier du restaurant italien d’un grand hôtel de Marrakech, éperdu d’avoir laissé échapper ce secret défense devant une journaliste. Et cet habitué du palais qui regrette d’en avoir trop dit : dans un moment d’exaltation, il vient en effet de louer la bonté de Mohammed VI, qui fait la lecture tous les jours à un ami malade. Mais surtout, qu’on ne le cite pas : « Sa Majesté pourrait me soupçonner de flagornerie… » A l’heure où les faits et gestes de la plupart des têtes couronnées sont aussi média- tisés que ceux des stars de cinéma, il est interdit de parler du monarque marocain, même pour en dire du bien. Qui est cet homme de 48 ans qui règne depuis près de douze ans sur le royaume chérifien ? Regard noir, cheveux ras, toujours l’ombre d’une barbe sur un visage impénétrable. Alors que le Maroc est à son tour gagné par la fièvre démocra- tique qui s’empare du monde arabe, il sera peut- être le seul dirigeant de la région à avoir su désa- morcer la révolte à temps. En Occident, il incarne la modernité et l’ouverture. Mais, dans son royaume, il est l’objet d’une étrange vénération. « Faire un portrait du roi, vous n’y pensez pas ! C’est impossible. Le rencontrer ? Il serait plus facile de voir Dieu… », s’exclame un diplomate proche du palais. Le roi est le secret le mieux gardé du royaume. Le sujet tabou par excellence, l’une des dernières lignes blanches – avec la question du Sahara occidental – que la presse ne doit franchir sous aucun prétexte. Il y a deux ans, l’hebdoma- daire « Tel Quel » a été interdit pour avoir osé éva- luer le bilan du monarque. Le sondage montrait pourtant que 91% des Marocains le jugeaient posi- tif ou très positif ! Comme le Seigneur des Ténèbres dans « Harry Potter », Mohammed VI est celui dont on ose à peine prononcer le nom. Pourquoi tant de mys- tère ? Pourquoi ce respect qui semble s’imposer à tous ? Bien sûr, « le peuple l’aime ». Le 1er juillet, les Marocains ont plébiscité par référendum son projet de révision constitutionnelle, avec un enthousiasme et un score (98%) qu’un Ben Ali ou un Kadhafi n’obtenaient qu’en bourrant les urnes et en achetant les voix. Mais cette popularité n’ex- plique pas à elle seule la « sanctuarisation » de celui que l’on surnomme ici « M6 ». Le roi lui- même entend se protéger. Surtout, sa cour et la classe dirigeante marocaine travaillent de concert pour le soustraire aux curiosités. Plus encore aujourd’hui, en ces temps troubles de printemps arabe aux révoltes contagieuses, il faut gommer l’homme pour consolider le mythe. « Sous Hassan II, on avait peur du roi, au- jourd’hui, on a peur pour lui », avaient coutume de dire les Marocains au début du règne de Moham- med VI. Désormais, face au pays qui gronde, l’élite marocaine a aussi peur pour ses privilèges et se L’enquête balkispress-abacapress Vénération Ce 30 juillet, comme chaque année, la cérémonie d’allégeance au roi, la Bay’a, viendra clôturer la fête du Trône. Le monarque y apparaît juché sur un étalon pour être le seul à ne pas toucher terre, protégé du soleil par un parasol. Oulémas, walis, ministres, hauts fonctionnaires et parlementaires se courbent à son passage en criant : « Que Dieu te bénisse, Majesté ! » Les serviteurs du palais répondent : « Sa Majesté vous a accordé sa bénédiction. » Mohammed VI lors de la fête du Trône à Fès, en 2008 “M6” en cinq dates 21 août 1963 Naissance à Rabat. 23 juillet 1999 Proclamé roi du Maroc. Juillet 2009 Grâce de 25 000 détenus pour les dix ans du règne. 1er juillet 2001 Référendum approuvant la réforme de la Constitution. 7 octobre 2011 Des élections législatives anticipées sont prévues. 8 moments solennels où l’effroi le disputait à l’ennui quand le petit Mohammed n’était que le figurant de son célèbre géniteur. En 1974, à 10 ans, il avait été chargé de le représenter à l’enterrement de Georges Pompidou. Un enfant habillé d’une djellaba blanche et coiffé d’un tarbouch grenat, l’air perdu sur les bancs de Notre-Dame. « J’avais l’impression d’être une petite virgule rouge dans la cathédrale… », dira plus tard Mohammed VI. Ce 17 juin 2011 aussi, devant les caméras qui filment ses promesses de « révolution tranquille », il a l’air au supplice. Engoncé dans un costume trop ajusté, flanqué pour symboliser la pérennité de la monarchie des deux héritiers du trône, son fils, le prince Moulay el-Hassan, et son frère, le prince Moulay Rachid, aussi raide que lui. Et puis il y a ce trône démesuré, rose et doré, qui se profile derrière lui, comme une menace. Avant d’y accéder, Mohammed VI a beaucoup enduré. Son père Hassan II n’a jamais vu en Mohammed un fils, mais un successeur. Dès sa plus tendre enfance, il l’oblige à assister à toutes les audiences royales, tout en lui interdisant d’y prononcer un mot. Lorsque le prince a un accident de voiture à l’âge de 22 ans, il lâche : « L’inquiétude du roi a été supérieure à celle du père… Je voyais vingt années d’éducation, de formation complètement anéan- ties. » Pour le former au métier de roi, Hassan II a appliqué les méthodes héritées de son père, Mohammed V. Contrôle serré des résultats sco- laires, sélection sévère de ses camarades de classe – qui sont aujourd’hui devenus ses conseillers –, surveillance étouffante de ses loisirs… Mais Has- san II y a ajouté une dose de cruauté. Il convoque son fils à 5 heures du matin pour le sermonner, l’humilie publiquement. Sur les photos d’époque, on voit le jeune Mohammed, petit garçon tendre et rêveur, qui se tient craintif aux côtés de son père, avec ce rictus d’inconfort qui ne le quittera plus, comme s’il redoutait toujours de recevoir une cor- rection. « Dans la société marocaine, Freud, nous ne connaissons pas, a dit un jour Hassan II dans une interview au “Figaro”. On manipule ses enfants directement, même si ça fait mal à une jointure… » C’est cette violence, exercée par un père à la fois haï et admiré, qui a façonné le futur roi et son rap- port au pouvoir. « Comme si Hassan II avait voulu faire payer à son fils le fait qu’un jour il allait lui succéder », explique un proche. La perversité du monarque est inépuisable. Ainsi il laisse entendre au prince héritier qu’il pourrait bien céder le trône à son cousin, le prince Moulay Hicham, un brillant jeune homme qu’il élève comme son fils depuis la mort de son père, et qui se montre passionné par cette chose publique qui assomme tant le petit Mohammed. Dans ces rivalités d’enfance vont naître les prémices d’une dissidence qui sera d’au- tant plus nocive pour le futur roi qu’elle vient du cercle le plus intime du palais. Plus tard, Moulay Hicham, qui appelle de ses vœux une réforme de la monarchie, ne ménagera pas ses critiques contre Mohammed VI. La presse, qu’il aime autant que son cousin la fuit, l’appellera « le prince rouge ». Lorsque Hassan II meurt, le 23 juillet 1999, Mohammed VI semble vouloir tourner la page noire du régime chérifien qui, loin des résidences luxueuses où le roi son père recevait ses amis, enfermait et torturait ses opposants. Il choisit d’habiter les palais que son père boudait, fuit ceux qu’il aimait. A Rabat, il réside dans sa villa Dar Salam, aux Sablons, et non au palais royal. Débou- lonner la statue du commandeur, exister enfin. Les Marocains accueillent ainsi la réhabilitation de l’opposant Abraham Sarfati, un leader pro- sahraoui de confession juive, et la destitution de Driss Basri, le détesté ministre de l’Intérieur d’Has- san II qui était aussi chargé de surveiller le prince, comme le signe d’une ère nouvelle. Pour les jeunes, c’est l’heure de l’espoir et des slogans : « Généra- tion M6 », « le roi des pauvres »… La censure allège son carcan sur la presse. Même des membres du premier cercle du roi, comme Hassan Aourid, col- laborent à ces nouveaux journaux où souffle un vent de liberté. Le fils veut apurer le passif du père. En 2004, il crée une instance, Equité et Réconci- liation, chargée de faire la lumière sur les « années de plomb » de l’ère Hassan II. La commission épluche plus de 16 800 dossiers et entend 200 vic- times. Il lance aussi une réforme du Code de la Femme qui instaure l’égalité entre les époux. Pour- tant, la parenthèse enchantée finit par se refermer. Les journaux irrévérencieux envers la monarchie sont privés de publicité. Certains mettent la clé sous la porte. Les organisations des droits de l’homme – tout en reconnaissant que l’étau de la répression se desserre – continuent à dénoncer les traitements subis par les détenus. M6 rattrapé par le fantôme d’Hassan II. Par les lourdeurs de la monarchie et d’une courtisanerie d’un autre âge. Comment résister lorsque vos anciens amis d’enfance se prosternent devant vous, que vous vivez dans un monde où l’on dore à l’or fin les sabots de vos chevaux et que vous pou- vez d’un froncement de sourcil décider des for- tunes ou du malheur de vos sujets ? « J’ai changé », admettra le roi lui-même dans l’un de ses rares entretiens avec la presse. En douze ans de règne, le jeune homme timide et compatissant a goûté à l’ivresse du pouvoir absolu. Un diplomate raconte qu’en recevant certains dirigeants occidentaux il se laisse parfois aller à leur rappeler que leurs pou- voirs respectifs ne sont pas soumis aux keystone-france/afp/keystone-france L’ombre du père Hassan II a régné trente-huit ans (1961-1999). Et a formé son fils à la dure dès son plus jeune âge. En 1967 (ci-dessus), le petit Mohammed se tient à ses côtés lors de la commémoration de l’indépendance du Maroc. En 1976, il assiste à une conférence de presse à Paris (à droite). Au printemps dernier, M6 s’est engagé à modifier la Constitution héritée de son père, mais il a gardé le titre de Commandeur des Croyants, qui en fait une personnalité « inviolable et sacrée ». Le grand-père Le grand-père de M6, Mohammed V, qui dut s’exiler parce qu’il s’opposa à la domination française du Maroc, était adoré par les Marocains, qui le considéraient comme « le Père de la nation marocaine moderne ». Il pourrait recevoir de façon posthume le titre de « Juste des Nations » en reconnaissance de son action pour la protection des juifs marocains durant la Shoah. 10 LeNouvelObservateur28 juillet 2011 - n° 2438 L’enquête& niviere-sipa/AbdeljalilBounhar-ap-sipa mêmes échéances... « Mon rythme est celui du Maroc. Ce n’est pas nécessairement le même que celui que veulent nous imposer, avec arrogance et ignorance, certains observateurs transformés en procureurs. » Aujourd’hui, les plus téméraires murmurent qu’il a mauvais caractère. Une colère du roi et toute la géographie du pouvoir marocain se trouve bouleversée. Telle éminence, autrefois incontour- nable, devient un sous-fifre. La disgrâce peut conduire à l’exil. « Mais le pire, raconte un membre du sérail qui a fait les frais des bouderies royales, c’est quand vous n’êtes même pas congédié. Vous l’apercevez encore, mais lui ne vous voit plus. Vous faites antichambre en vous gavant de club- sandwichs au homard, vous prenez du poids, mal- heureux, en espérant regagner ses faveurs. Cela peux durer des mois. » Ces disgraciés, on les croise, mal peignés, presque en deuil, dans les salons de la haute bourgeoisie marocaine. Il y a même une série de noms pour désigner leur triste condition : le moharem, le roi ne le voit plus ; le penek, il ne lui parle plus… Les bannis sont privés de fêtes nomades et de voyages officiels. Les autres éva- luent en permanence leur cote à un mot gentil, un regard appuyé. « Exactement comme au temps de son père, lorsqu’on chronométrait ses poignées de main », se souvient un familier d’Hassan II. Surtout, « le roi des pauvres », qui voulait pour- tant rompre avec les habitudes de son père grand amateur de bijoux et de Rolls, ne cache désormais plus ses goûts de luxe. Il a ses habitudes dans les boutiques de la rue Saint-Honoré à Paris et de Madison Avenue à New York. Son garage compte plusieurs centaines de véhicules – dont les voi- tures de collection héritées d’Hassan II – parquées dans un écrin de verre et d’acier. Sa dernière folie ? La construction du magnifique hôtel Royal Man- sour à Marrakech, qu’il a supervisée lui-même jusqu’aux plus infimes détails. Les suites les plus luxueuses, vitrines des chefs-d’œuvre de l’artisa- nat marocain, abritent souvent la famille royale et sont facturées plusieurs dizaines de milliers d’euros la nuit. Est-ce le désir de surpasser son père qui explique cette frénésie ? En 2008, le magazine « Forbes » a classé Mohammed VI au 7e rang des fortunes royales, loin devant la reine d’Angleterre et l’émir du Koweït, avec un patrimoine estimé à 2,5 milliards de dollars. Selon les calculs du ma- gazine, l’entretien et la maintenance des douze palais royaux coûteraient 1 million de dollars par jour. « Hassan II se servait de son argent pour consolider son pouvoir, M6 maximise ses richesses, il est de son temps », décrypte un grand banquier marocain. Indécente richesse, dans un pays où 5 millions de personnes vivent avec moins d’un euro par jour ? Les Marocains, pourtant, accusent la cour plutôt que le roi. Et en particulier ses deux plus proches conseillers, Fouad Ali el-Himma et Mounir Majidi : les deux principales têtes de Turcs des manifestants du mouvement contestataire dit « du 20 février ». Les deux hommes sont les piliers du « système M6 ». « Si vous voulez faire des affaires au Maroc, il vous faudra obligatoirement passer par le roi, Fouad Ali el-Himma ou Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi et patron de la holding Siger, qui s’occupe des intérêts économiques de la famille royale », explique – dans un câble récemment révélé par WikiLeaks – un homme d’affaires proche du palais, non pour le déplorer mais sim- plement pour indiquer aux Américains la mar- che à suivre. « La holding royale Siger contrôle les entreprises privées, notamment en captant l’épargne marocaine et l’argent de la Caisse de Dépôt et de Gestion. Résultat : M6 est le premier banquier et le premier assureur du pays. On assiste à une véritable “monarchisation” de l’économie », se désole l’ancien journaliste Aboubakr Jamaï. Aujourd’hui, pourtant, Fouad Ali el-Himma et Mounir Majidi font partie de ces parias à qui le roi n’adresse presque plus la parole. Cette captation des richesses par le palais a exaspéré le « makhzen économique », autrement dit la grande bourgeoi- sie marocaine. L’un de ses représentants enrage : « Les nouveaux conseillers bling-bling du roi ont pété les plombs. Nous, au moins, nous avons l’ar- gent discret, un peu comme la bourgeoisie lyon- naise, si vous voulez. Et ils nous ont fait honte. » A entendre cet homme d’affaires, le roi a compris le message : pour l’instant, « son peuple » lui a fait la politesse de croire que seuls ses deux conseillers étaient responsables des maux dont souffre le Maroc. Jusqu’à quand ? Et l’homme d’affaires de la vieille école de paraphraser Giuseppe Tomasi, qui décrit dans « le Guépard » une Sicile aux prises avec les tourments de la révolution : « Aujourd’hui, au Maroc, pour que rien ne change, ce que nous voulons tous, il faut que tout change. La Constitu- tion, mais surtout la redistribution des richesses. » Pour qu’un jour le prince héritier, le jeune Moulay al-Hassan, puisse assumer, avec moins de difficul- tés que le roi, l’héritage de son père. Sara Daniel L’épouse Ingénieur en informatique, la princesse Lalla Salma est la première épouse d’un monarque marocain à avoir été présentée publiquement au peuple. Un journal marocain a été réprimandé par le palais pour avoir divulgué que son plat préféré était le tajine aux carottes et qu’elle aimait se promener pieds nus dans la résidence royale. Elle ne porte pas le voile. Eminences critiquées Deux conseillers du roi sont aujourd’hui dans le collimateur des contestataires : Mounir Majidi, son secrétaire particulier (surnommé « 3M »), homme clé de l’économie marocaine, et Fouad Ali el-Himma, son ex-ministre de l’Intérieur (ami d’enfance, « sélectionné » pour aller en classe avec le jeune Mohammed au Collège royal). 12 LeNouvelObservateur28 juillet 2011 - n° 2438 t él éphon es rouges 14 monde 16 planète 18 economie 20 médias 21 société 22 tendances Politique dufour-afp/witt-sipa/bureau-afp Claude Guéant Ségolène et Martine Estrosi hors de prix C’est le monde à l’envers ! Hier, Alain Juppé refusait d’ouvrir des salles pour la primaire socialiste, pendant que Christian Estrosi déclarait que cela ne poserait aucun problème. Aujourd’hui le maire de Bordeaux a accepté d’en prêter une trentaine. Alors que le maire de Nice a réclamé 19 460 euros par tour aux socialistes pour 38 bureaux, avant de proposer après négociation… sept salles gratuites. 2012 Hortefeux : ici l’ombre ! Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux ont récemment évoqué en tête à tête l’organisation de la future campagne présidentielle. En principe, l’ancien ministre de l’Intérieur, aujourd’hui vice-président de l’UMP, devrait en assurer la direction. Mais l’exemple de François Hollande, qui a choisi Pierre Moscovici comme directeur de campagne plutôt qu’un de ses fidèles de toujours, a fait réfléchir les deux hommes. Ils ont ainsi évoqué l’hypothèse de confier cette mission à un centriste. Objectif : démontrer l’ouverture du candidat sortant et sa volonté de rassemblement de la majorité face à une éventuelle candidature Borloo, Morin ou Bayrou. Dans ce cas de figure, Hortefeux dirigerait un comité politique de campagne et conserverait la haute main sur les orientations du candidat. Autant dire que le rôle de directeur de campagne serait alors essentiellement médiatique. Le modèle ? La campagne de Chirac en 2002. Antoine Rufenacht en était alors le directeur, habilité à s’exprimer dans les médias, tandis que, dans l’ombre, son adjoint, le préfet Patrick Stefanini, assurait l’organisation effective. Sarkozy et Hortefeux ont convenu d’en reparler à la rentrée. Carole Barjon Primaire PS : ça chauffe ! Premières escarmouches entre François Hollande et Martine Aubry. Bruno Le Roux, partisan du député de Corrèze, a officiellement saisi le 18 juillet la haute autorité de la primaire pour réclamer l’équité entre les candidats dans l’utilisation des moyens du PS. La haute autorité n’a pas tardé à répondre, en réclamant « un protocole de mutualisation des moyens » et en demandant que « les candidats ayant occupé les fonctions de responsabilité au niveau du premier secrétariat [...] évitent toute confusion dans l’esprit des électeurs ». Sarkozy déçu par Aubry Nicolas Sarkozy a toujours un avis définitif sur le PS ! Mais, lui qui se disait hier certain de la victoire de Martine Aubry dans la primaire, n’est plus aussi sûr de son pronos- tic. « Elle est tellement mauvaise que le président commence à avoir de sérieux doutes », explique un conseiller de l’Elysée qui relève les baisses d’audience de la première secrétaire lorsqu’elle passe à la télévision. Ce proche rappelle par ailleurs que « Nicolas n’a jamais exclu que Ségolène Royal puisse être, au final, la candidate désignée ». Coucou, c’est l’UMP ! Les journées parlementaires de l’UMP se tiendront cette année à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire), fief du député Philippe Briand, proche de Jean-François Copé et Christian Jacob. En raison des sénatoriales qui auront lieu le 25 septembre, les journées parlementaires ont été repoussées aux 13 et 14 octobre. Pile entre les deux tours de la primaire socialiste ! Cambadélis innocent Jean-Christophe Cambadélis nous fait savoir que c’est Henri Emmanuelli et non lui qui, en compagnie de Benoît Hamon, a quitté le premier conseil politique du PS dirigé par Harlem Désir, le 30 juin (« N. O. » du 7 juillet), en plein milieu de l’intervention de ce dernier. A bon entendeur... Une info à transmettre ? jmartin@nouvelobs.com Guéant inquiète la police Dans les hautes sphères de la police, on s’interroge sur l’état de santé du ministre de l’Intérieur, qui a été opéré d’un pontage coronarien le 12 juillet. Est-ce plus grave qu’annoncé ? Pourquoi la durée d’hospitalisation a été plus longue que prévu ? Pourquoi ne pas avoir attendu, pour réaliser cette opération, la fin de la saison politique marquée par le défilé du 14-Juillet, où traditionnellement le ministre de l’Intérieur salue les policiers en tenue ? En 1998, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin, avait attendu la fin de l’été pour subir une intervention chirurgicale. 14 LeNouvelObservateur28 juillet 2011 - n° 2438 T é l é phon e s roug e s Monde Liban Pas de missiles français pour l’armée Paris vient de suspendre – discrètement – l’accord signé, en 2010, entre François Fillon et Saad Hariri, alors Premier ministre, sur des livraisons d’armes et de missiles Milan à l’armée libanaise. Une source proche du dossier affirme qu’Israël a exercé de fortes pressions sur l’Elysée pour geler le document, afin que cet armement n’entre pas au Liban, de peur que le Hezbollah ne s’en saisisse. Déjà passablement irrité par le démantèlement d’un réseau d’espionnage, en 2009, d’une centaine de Libanais travaillant pour le Mossad, grâce à un système d’écoute ultrasophistiqué fourni par la France, l’Etat hébreu s’oppose catégoriquement à la présence d’une armée solide à sa frontière nord. La décision française intervient dans un contexte politique agité au Liban. Quatre militants du Hezbollah vont être poursuivis par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) pour avoir participé à l’attentat, en février 2005, contre Rafic Hariri. Décision surréaliste, le chef du gouvernement, Nagib Mikati, un leader soutenu par Damas, vient de nommer à la tête de la Direction générale de la Sûreté nationale un chiite proche du Hezbollah, le général Abbas Ibrahim, qui était le numéro deux des services secrets de l’armée libanaise ! Farid Aïchoune Turquie Des Syriens pas si bienvenus En dépit de la répression qui se poursuit dans leur pays, des Syriens qui s’étaient réfugiés en Turquie prennent le risque de rentrer chez eux. A la mi-juillet, ils n’étaient plus que 8 500 à se trouver dans les six camps gérés par le Croissant-Rouge turc le long de la frontière. De nombreux réfugiés dénoncent la mauvaise nourriture, le suivi médical déficient et l’interdiction de communiquer avec l’extérieur. Aucune organisation internationale n’est autorisée à entrer dans les camps, et les réfugiés ne peuvent pas demander l’asile politique. Arabie saoudite Harry Potter interdit En Arabie saoudite, l’unité anti-sorcellerie est sur les dents depuis la découverte dans la ville de Taboûk d’une tête de loup enveloppée dans de la lingerie féminine. Après enquête, les limiers dépêchés par la Commission pour la Promotion de la Vertu et la Prévention du Vice estiment qu’il s’agit d’un sort jeté à une famille influente de la région. Un cheikh a donc été mandaté Philippines No smoking Les autorités ont décidé de durcir l’interdiction de fumer dans les lieux publics, qui depuis 2003 n’est pas respectée. Tout le monde devra désormais s’y plier… Tous, sauf un. C’est ce qu’il faut retenir d’un portrait officiel du président Benigno Aquino, où on le voit assis à son bureau, avec, devant lui, un paquet de cigarettes et un cendrier. La photo s’est attiré les foudres des commentateurs sur Facebook. Réponse du palais présidentiel : qu’Aquino soit un gros fumeur n’est « pas un secret ». Fermez le ban. Mexique Narcoweb Le département de la Sécurité intérieure américain surveille les réseaux sociaux, blogs et forums au Mexique pour s’informer sur les narcotrafiquants, a affirmé le 19 juillet le quotidien « Milenio ». Certains trafiquants postent notamment sur YouTube des vidéos d’assassinats ou de personnes séquestrées. Facebook, Twitter ou MySpace seraient aussi utilisés par les cartels pour envoyer des messages de menace. Les recherches sont opérées à partir de mots clés tels que « narco », « décapité », ou « cocaïne ». Rectificatif Contrairement à ce qui figure dans notre numéro de la semaine dernière (21 au 27 juillet), Eduardo Duhalde est candidat à l’élection présidentielle en Argentine pour l’Union populaire et non comme chef de l’Union civique radicale. afin de briser le sortilège. L’interdiction de la magie, sanctionnée par la peine de mort, vaut au dernier volet des aventures de Harry Potter d’être banni des cinémas du royaume… Des soldats français équipés d’un lance-missile Milan Un blog comme arme de la terreur jackguez-afp/ap-sipa/dr 16 LeNouvelObservateur28 juillet 2011 - n° 2438 T é l é phon e s roug e s Arbres La Provence s’implante à Paris Les jardiniers de la Ville de Paris n’ont pas attendu le plan d’adaptation au changement climatique, lancé la semaine dernière par le gouvernement, pour se coltiner le réchauffement. Leurs 100 346 arbres d’alignement, piégés dans l’asphalte qui imperméabilise tout, sont assoiffés. Et si les plus vieux spécimens ont trouvé la parade, qui consiste à enrouler leurs racines autour des canalisations d’eau, les plus jeunes étouffent. Leurs essences sont pourtant sélectionnées depuis quelques années pour résister à un climat de plus en plus chaud et sec. Fini, les peupliers et les noyers, boulimiques en eau. Fini aussi, les marronniers blancs du baron Haussmann, choisis à l’époque pour faire de l’ombre à ces dames : ils sont fragilisés par la mineuse, un micropapillon dévoreur de feuilles qui prolifère par temps sec. Fini, enfin, les hêtres, présents dans les régions humides (Bretagne, Normandie…). Ils étaient jusqu’à présent plantés à Paris dans des conditions « limites ». « Aujourd’hui, ils crient au secours », observe Louis-Marie Paquet, adjoint au service Arbres de la Ville. Les deux plus vieux spécimens parisiens, deux cents ans, dans les bois de Vincennes et de Boulogne, sont des « rescapés ». Ce qu’on plante à la place ? Chênes verts, micocouliers de Provence... Autrement dit, des espèces méditerranéennes. Morgane Bertrand Planète Joly-Björk : nordiques batailleuses En promo pendant deux jours à Paris pour son album « Biophilia » (sortie le 26 septembre, Barclay), la chanteuse islandaise Björk s’est offert un déjeuner avec Eva Joly, candidate Europe Ecologie-les Verts à la présidentielle 2012. Elles sont complices depuis 2009, quand la Franco-Norvégienne est venue conseiller les procureurs chargés de pister les responsables du krach bancaire. Pour son clip de campagne à la primaire écologiste, la candidate a d’ailleurs utilisé un titre de Björk, « Human Behaviour ». A table, elles ont évoqué les deux principaux combats de la chanteuse, l’un pour s’opposer au rachat des ressources géothermiques islandaises par un groupe canadien, l’autre contre la construction de deux fonderies géantes d’aluminium sur le territoire. L’hôpital prend ses précautions Polyclinique de Blois, clinique de l’Essonne (Evry)… Après le cri d’alarme lancé par l’association C2DS en 2008, de nombreuses maternités ont banni les « mallettes roses » offertes aux jeunes mamans, dont les cosmétiques contiennent des perturbateurs endocriniens – phtalates, bisphénol A, parabènes, classés cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Chantier suivant : le matériel médical, dont les poches et intraveineuses, cathéters, etc. Selon l’AP-HP, 15% des produits utilisés à l’hôpital contiennent ces substances, qu’une proposition de loi votée en première lecture par l’Assemblée nationale en juin entend interdire totalement. Ça plane au bio Si vous effectuez un Amsterdam-Paris, un Amsterdam-Helsinki ou un Hambourg- Francfort cet été, vous volerez peut-être au biokérosène. Sur ces lignes, les compagnies KLM et Finnair utilisent de l’huile de cuisine usagée et recyclée, et Lufthansa expérimente, pour six mois, un mélange de cameline, de graisses animales et de jatropha. Il faut sauver la “marmotte de Strasbourg” Selon la Cour européenne de Justice, la France n’a pas respecté toutes les obligations de la directive « habitats » à l’égard du grand hamster d’Alsace. Menacé par la monoculture de maïs et protégé en 1993, il compterait 450 individus au lieu des 1 500 nécessaires à sa survie. Une 4L Electrique ? Pour les 50 ans de la voiture française la plus vendue au monde, Renault a lancé le concours de la 4L zéro impact environnemental. En lice : le designer Charlie Nghiem et sa 4L électrique, équipée de deux batteries dont une reliée à des capteurs photovoltaïques sur le toit et les vitres. Verdict imminent sur le site designboom.com yvesnicolas-leparisien-maxppp/dr/C.nghiem/golli-morgunbladid-sipa/didierpallages-afp Eva Joly et la chanteuse Björk Bertrand Delanoë plante un micocoulier dans le 14e Grand hamster d’Alsace Projet de 4Lectric 18 T é l é phon e s roug e s CRISE GRECQUE BNP Paribas à la manœuvre Le branle-bas de combat a commencé le 22 juin. Ce jour-là, Ramon Fernandez, le directeur du Trésor, réunit les patrons des banques françaises à 9h15 autour d’un simple verre d’eau, avec un message clair : il faut un effort des banques sur la dette grecque. Baudouin Prot, le patron de BNP Paribas, la banque la plus concernée, prend la tête des opérations et propose un premier plan, coordonné par Jean Lemierre, l’ex-président de la Berd. Adopté par la Fédération des Banques françaises, ce sera le « plan français ». Pendant vingt jours, ce plan sera complété, modifié, amendé pour tenir compte des contraintes des banques et des assureurs des autres pays jusqu’à devenir la solution de l’Institute of International Finance. Cette puissante organisation basée à Washington fédère les banques au niveau mondial. Un lobby d’une efficacité redoutable, dirigé par Charles Dallara et présidé par le patron de la Deutsche Bank, Josef Ackermann. Ces deux hommes, avec Baudouin Prot, Jean Lemierre et les dirigeants de la banque HSBC, vont travailler pendant trois semaines à l’élaboration du volet privé du plan d’aide à la Grèce, en coordination avec Vittorio Grilli, directeur du Trésor italien, Gerassimos Thomas, le représentant de la Commission européenne, et Klaus Regling, qui dirige le Fonds européen de Stabilité financière. « Il y a eu une conférence téléphonique tous les jours, impliquant jusqu’à 27 banques et compagnies d’assurances », témoigne un banquier français. « Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour sauver l’euro, en travaillant dans le même état d’esprit que pour le sauvetage d’Alstom », explique un négociateur chez BNP Paribas. Objectif atteint : ils ont limité la casse. Les pertes sont estimées à 21% des créances des banques, bien moins que les 50% que redoutaient certains. Sophie Fay Etats-Unis : l’immobilier plonge encore Le marché immobilier continue à plonger outre-Atlantique dans des villes comme Las Vegas, Phoenix, New York ou Chicago, où les biens ont perdu 30% de leur valeur en deux ans. La baisse est aujourd’hui plus importante que durant la Grande Dépression de 1929, et de nombreux économistes redoutent le pire : près de 600 000 biens saisis par les banques ne sont pas encore mis sur le marché. 4 millions d’emprunteurs seraient aujourd’hui à la peine. Impossible de revendre. Du coup, le marché locatif explose, et les locataires renégocient les prix à la baisse. Résultat : ils sont de moins en moins nombreux à considérer que posséder sa maison fait encore partie du rêve américain. En revanche, pas de crise pour les riches : les ventes de maisons de plus de 1 million de dollars ont augmenté de 56% en un an ! Economie Total divise la majorité Match au sommet entre Xavier Bertrand et Eric Bes- son.Lesdeuxministress’affrontentdepuisl’annonce deTotal,enpleinepériodededépartsestivaux,d’une hausse de 4% sur les prix de l’essence. Alors que le ministre du Travail demande au géant pétrolier « plusdetransparence »etluireprochederépercuter davantageàlahaussequ’àlabaisselescoursdubaril de pétrole sur les prix à la pompe, son homologue de l’Industrie ne voit pas du tout les choses du même œil. Et il tient à le faire savoir. Après avoir rencontré, le 19 juillet, le PDG de la compagnie Christophe de Margerie,EricBessonadéfenduTotal,ens’appuyant sur une étude effectuée par ses services sur l’évolu- tion des prix des carburants sur la période du 15 mai au15juillet.Conclusionduministre :« Totalaréper- cutéàlabaisseaussivitequ’àlahaussel’évolutiondes prix du pétrole, les résultats sont très clairs. » Suffi- samment pour éteindre la polémique ? Les mousquetaires de la crise Avis d’un ancien « trésorien » : dans la gestion de la crise de la zone euro, autour de Nicolas Sarkozy les trois hommes qui comptent sont Xavier Musca, le secrétairegénéraldel’Elysée(etanciendirecteurdu Trésor),RamonFernandez,ledirecteurduTrésor,et Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, ancien trésorien lui-même. Nulle mention de François Baroin, qui cherche encore ses marques à Bercy. vandenwijugaert-ap/sipa;olson-gettyimages;saget-afp Xavier Bertrand et Eric Besson 20 T é l é phon e s roug e s “Le Figaro” Un gros titre de campagne « Affaire Banon-DSK : François Hollande va être entendu. » Etalé sur cinq colonnes, le titre dévore la une du « Figaro ». Illustré, en sus, par un large photomontage mettant face à face les deux protagonistes. Ce 19 juillet, le quotidien a mis, sans complexes, le turbo militant. L’information émanait du service société, assuré d’être le seul à l’avoir. « Bien sûr, cela sert la campagne et l’Elysée, explique-t-on en interne. Mais, prosaïquement, cela nous changeait de l’euro sur lequel on titre un jour sur deux. Et, ce jour-là, on n’avait pas grand-chose d’autre. Si l’on considère l’affaire DSK, “le Figaro Magazine” en titrant “La honte” est allé beaucoup plus loin que nous. Finalement, Hollande a tiré parti de la polémique et obtenu d’être convoqué tout de suite au lieu d’attendre septembre. » La rédaction en chef a balayé les hésitations d’un : « Si, en 2006, Sarkozy avait été convoqué par un juge, “le Monde” en aurait fait sa manchette. » Quatre jours plus tôt, le président de la République siégeait en majesté à la une grâce au « Sondage qui relance Sarkozy ». Ce sondage CSA, qui plaçait Nicolas Sarkozy en tête des intentions de vote au premier tour, mais se gardait bien de mesurer un second tour, avait été réalisé pour BFM TV-RMC et « 20 Minutes ». Mais l’étude était passée inaperçue, y compris du « Figaro ». De source proche du Château, l’Elysée s’est signalé auprès du journal pour que l’oubli soit réparé… Véronique Groussard Bernadette superstar La cité mariale, sa grotte, ses sanctuaires sont très tendance. Ils ont inspiré deux films : « Lourdes » (sorti ce 27 juillet) , coproduit par Arte et réalisé par l’Autrichienne Jessica Hausner, et « Je m’appelle Bernadette », signé Jean Sagols, spécialiste des feuilletons d’été à la télé, qui sera dans les salles, cet automne. « L’évêqueadéclaréquec’estuneheureuse surprise ;celavautimprimatur », estime Jean- Christophe Borde, spécialiste de Lourdes au cinéma. Le scénario avait été relu par les hautes instances religieuses mais les sanctuaires n’ont pas participé au financement. Ce film se substituera à celui de Jean Delannoy (« Bernadette ») projeté sans interruption depuis sa sortie en 1988 au cinéma de Lourdes baptisé… Bernadette. DSK, c’est du temps de parole pour le CSA C’est un effet inattendu de l’affaire DSK. Le CSA comptabilise en effet les interventions des hommes politiques sans trier : du coup, qu’ils parlent de la retraite, de la dette ou de Dominique Strauss-Kahn, l’horloge tourne de la même manière. Résultat, l’affaire DSK occupe une grande partie du temps de parole des socialistes qui, pendant qu’ils sont interrogés à ce sujet, ne parlent pas du reste… La règle, immuable, attribue par trimestre à l’opposition 50% du temps d’intervention cumulé du président de la République et de la majorité. Un nouveau patron pour “l’Expansion” ? Et revoilà Georges Ghosn ! L’ancien propriétaire de « la Cote Desfossés », « l’Agefi », « la Tribune », « le Nouvel Economiste » et « France-Soir » fait un tour de piste auprès d’anciens ou d’actuels dirigeants de la presse économique pour leur faire part de son intérêt pour un éventuel rachat de « l’Expansion ». Un titre dont l’actionnaire actuel, le belge Roularta, a récemment fait savoir qu’il cherchait preneur. Médias Lescure prépare un retour sur Paris Première Pierre Lescure travaille sur un projet pour la chaîne : une master class menée par des personnalités du monde civil ou politique qui viendraient exposer leur parcours devant les élèves d’une grande école. Fils à papa surdoué Surmonté des célèbres lunettes rouges, le slogan « pour moi, c’est Eva » émaille son adresse Facebook : le tout jeune Elliot Lepers, 19 ans, étudiant aux Arts déco et animateur d’une émission sur Canal+ (« l’Œil de Links »), est directeur artistique de la candidate d’Europe Ecologie- les Verts. Détail cocasse, son père, le journaliste John Paul Lepers, s’était fait une spécialité, dans ses reportages sur Canal+, de démonter la communication des politiques… Elliot Lepers dr/Lahache/canal+ Le photomontage qui ne dit pas son nom Lourdes investit les écrans
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