LE NOUVEL OBSERVATEUR n°2469 - Page 4 - 3 LeNouvelObservateur1er mars 2012 - n° 2469 On a beau faire profession de raconter le malheur du monde, qui n’en est pas avare, on a beau avoir assisté au fil des années à la répétition des horreurs infligées à la pauvre humanité, on reste, devant les crimes de Bachar al-Assad, saisi d’une rage sans nom. Chacun l’a maintenant compris : ce fils à papa formé à Londres, caché derrière un hypocrite sourire de faux timide, longtemps choyé par les diplomaties occidentales, abrité dans son palais d’or et de marbre, n’est qu’un boucher cravaté. Protégéparunephalangedetueursde civils,adeptedel’achèvementdesblesséset dumartyredesenfants,cetortionnaire endimanchés’apprête,aprèsavoirchassé lesjournalistesenassassinantquelques-uns d’entreeuxpourl’exemple,àexterminer sanstémoinsceuxquionteulefrontde réclamerunpeudedémocratieenSyrie. La question n’est plus de savoir s’il faut le condamner. L’opinion mondiale, pour l’essentiel, a compris que le régime baasiste, jadis plus ou moins progressiste, n’est que le paravent d’un clan corrompu appuyé par des assassins stipendiés, qui joue d’un mélange de terreur et de conflits interreligieux pour se maintenir au pouvoir. La question est de trouver les moyens de l’arrêter. La sagesse incertaine des réalistes conduitàunmotd’ordresimpleet décourageant :surtout,nepasintervenir ! Oncomprend,pourunefois,leursraisons. Ilyfaudraitl’avaldel’ONU,paralyséepar l’oppositionrusseetchinoise ;ilyfaudrait uneforcemilitaireconsidérabledont l’irruptionaucœurduProche-Orient instablereviendraitàjeterunetorchedans unepoudrière ;ilyfaudraitencorevaincre l’oppositionarméedurégime,quis’appuie surunetroupeaguerrieetbienéquipée. Touteschosesrisquées,dangereuses,pour l’instanthorsdeportée.Encoreles contempteurshabituelsdu« droit-de- l’hommisme »,sipromptsàdénoncerle coûthumain,financieretpolitiqued’une intervention,devraient-ilscettefois comptabiliseravecautantdevigilancele coûthumain,financieretpolitiqued’une non-intervention.L’abstentiondes démocraties,alorsmêmequelaplupartdes paysarabesréclamentledépartdu fantochesanglant,encourageratousleurs ennemis,consolideralesautresdictateurs etprononceralemassacre,etbientôtla défaite,dupeuplesyrienrévolté.La realpolitiknouscoûtedécidémenttrèscher. Pourtant, entre abandon et aventurisme, il y a peut-être un chemin. Alain Juppé en a indiqué la direction : obtenir, dans un premier temps, la réouverture du pays aux ONG et aux journalistes, pour soulager la population civile et faire revenir sur place les témoins qui peuvent freiner les bourreaux. C’est peu de choses et c’est beaucoup. Pour aider à cette première action, la seule envisageable dans l’immédiat, notre journal a décidé de susciter un geste symbolique : réunir au bas de la même revendication, claire et limitée, les signatures des candidats à l’élection présidentielle. C’est le sens de l’appel que nous publions ici, destiné à hâter la prise de conscience et à montrer que ce régime cruel et cauteleux n’a rien à espérer de la prochaine élection, qui mettra au pouvoir, en tout état de cause, un gouvernement qui condamnera son action. Il vise aussi à s’assurer que le prochain président, quel qu’il soit, ne pourra pas revenir en arrière sur ce point au nom de considérations plus ou moins diplomatiques. Aussi bien, il doit l’inciter à faire pression, tout autant, sur les gouvernements de Chine et de Russie, dont les détenteurs manifestement apeurés par une éventuelle victoire des peuples, se comportent aujourd’hui en simples complices des bourreaux et des tortionnaires, auxquels on ne devrait même pas serrer la main. Ce geste de principe sera redoublé par une deuxième initiative : l’organisation par « le Nouvel Observateur » d’une réunion publique (1) de soutien au peuple syrien révolté, à laquelle nous convierons de la même manière les candidats de l’élection en cours. L.J. (1) Cette réunion aura lieu à Paris avec de nombreux intervenants, militants syriens, défenseurs des droits de l’homme, experts et intellectuels. SOS Syrie François Hollande, Dominique de Villepin, Eva Joly, Corinne Lepage ont déjà signé l’appel du “Nouvel Obs” l’éditorial de laurent joffrin L’appel du “Nouvel Obs” « Nous, candidats à la présidence de la République française, affirmons, au-delà des différences de partis et d’opinions, notre soutien à la population syrienne dans son exigence de liberté et de démocratie. Cette démarche est fondée sur les valeurs de la République française, qui doivent unir toutes les sensibilités nationales. Nous voulons ainsi adresser un message sans équivoque à Bachar al-Assad et à son régime, à ceux qui participent en Syrie à une répression barbare, mais aussi à ceux qui, à l’étranger, l’encouragent dans cette impasse sanglante. La France doit parler à ce sujet d’une seule voix. Notre condamnation de tels crimes est unanime et notre solidarité avec les victimes de cette sauvagerie dépasse les débats de cette campagne présidentielle. Le régime syrien, qui dénie à ses ressortissants leurs droits élémentaires de citoyens, croit pouvoir jouer à son profit de l’alternance démocratique dans nos pays. Nous voulons par cet appel lui signifier son erreur et dénoncer des manœuvres qui ne visent qu’à gagner du temps pour organiser la répression. Le peuple syrien doit être mis en mesure de déterminer son propre destin. La France se tiendra à ses côtés dans l’exercice de ce droit inaliénable. Nous exigeons : – La fin des attaques et des bombardements ainsi que l’arrêt immédiat des tortures et des mauvais traitements de toutes sortes infligés à la population civile. – L’accès sécurisé de toutes les ONG, arabes et internationales, en territoire syrien, de manière à acheminer les secours aux victimes et l’aide humanitaire dont la population syrienne a cruellement besoin. – Le droit pour tous les médias de circuler en Syrie et d’exercer leur métier en toute liberté. » LeNouvelObservateur1ER MARS 2012 - N° 2469 Le mathématicien Maurice Audin avait 25 ans quand, un soir de juin 1957, des militaires français l’ont arrêté, sous les yeux de sa femme et de leurs trois enfants. Son corps n’a jamais été retrouvé et le jeune homme est devenu l’un des symboles des atrocités de la guerre d’Algérie. Un demi-siècle après, Nathalie Funès a mis la main sur un document inédit, révélant pour la première fois l’identité probable de son meurtrier UN DES DERNIERS SECRETS DE LA GUERRE D’ALGÉRIE L’enquête Révélations sur l’affaire Audin AFP Maurice Audin (photonondatée) 11 LeNouvelObservateur1ER MARS 2012 - N° 2469 Plus d’un demi-siècle a passé et on ne sait tou- jours pas comment est mort Maurice Audin. Au cours d’une séance de torture qui a mal tourné? Des suites de ses blessures? Poignardé? Etranglé par un parachutiste dans un accès de rage? Exécuté d’une balle dans la tête? « Aussiincroyablequecelapuisse paraître au bout de tant d’années, le mystère n’a jamais été levé, dit l’historien Benjamin Stora. Le corps de Maurice Audin, devenu le symbole des mil- liers de disparus de la bataille d’Alger, n’a pas été retrouvé. Alors que d’autres cadavres, comme celui du responsable FLN Larbi Ben M’hidi ont fini par êtredéterrés.L’arméesurtoutestrestéemuette.Tous les militaires présents à El-Biar se sont tus. Aus- saressesquiapourtantmultipliélesconfidencessur les exactions et les exécutions arbitraires n’a jamais lâché un mot sur Audin. » Encore aujourd’hui, l’of- ficier, 94 ans, presque aveugle, répète en boucle au « Nouvel Observateur » : « J’ai aperçu Maurice Audin une fois dans les locaux d’El-Biar, peu après son arrestation. Je ne l’ai plus jamais revu ensuite. Ni vivant, ni mort. Ce n’est pas moi qui ai donné l’ordredeletueretjen’étaispaslàaumomentdeson décès. Pourquoi Godard accuse-t-il un des membres de mon équipe? Je n’en sais rien. Mais je peux vous dire que c’est faux. » Le jour de son arrestation, Maurice Audin avait 25 ans, une silhouette frêle, des cheveux en bataille. Il est né un jour de février 1932, à Béja, en Tunisie, avant de rejoindre, enfant, l’Algérie. Le père, Louis travaille à la Grande Poste d’Alger. D errière la porte en contreplaqué, le vieil homme fait le mort. Il n’a jamais répondu aux courriers envoyés. Il a raccroché d’un ton sec à l’interphone, quelques minutes auparavant. « Jesuisdansmonlit,je n’airienàvoiraveccettehistoire,jenevousouvrirai pas… » Une voisine sortie faire ses courses, prend un air entendu: « Oh, vous savez, il n’est pas facile, mêmemoiquihabitedanssonimmeubledepuisdes années, il ne me laisse pas entrer. C’est un ancien militaire. Quand il était plus jeune, il marchait à grandes enjambées, droit comme un i. On dit qu’il a fait la guerre d’Algérie, avec ce général, comment il s’appelle, déjà, ce général?… – Aussaresses? – Ah oui, c’est ça, Aussaresses. Mais enfin les rumeurs… » Derrière cette porte qui va rester close, au qua- trième étage d’un bâtiment blanc et jaune, surgi dans les années 1970, près du chenal d’une ville de Bretagne, se cache peut-être l’un des derniers secrets de la guerre d’Algérie. Le vieil homme a été un adolescent volontaire qui a pris les armes contre les Allemands, dans le maquis du Vercors, pendant la Seconde Guerre mondiale, a décroché ses galons d’officier sur les bancs de Saint-Cyr, a servi la France, partout dans le monde puis s’est retrouvé de l’autre côté de la Méditerranée pendant la bataille d’Alger en 1957, l’une des périodes les plus sombres de notre histoire. Il a travaillé aux côtés du général Jacques Massu, le « chef de la police » à Alger, avant de rejoindre comme sous-lieutenant, le groupe du commandant Paul Aussaresses, alors coordonnateur des services de renseignement. La petite équipe s’était installée à la Villa des Tou- relles, une de ces majestueuses demeures blanches, noyées sous les bougainvilliers, où l’on se chargeait des basses besognes et où l’on se débarrassait dis- crètement des prisonniers encombrants. Le vieil homme a plus de 80 ans aujourd’hui. Il pensait sans doute avoir été oublié. Son nom figure noir sur blanc dans un document manuscrit, écrit de la main du colonel Yves Godard, dont « le Nou- vel Observateur » révèle aujourd’hui l’existence et qui sera publié d’ici quelques jours dans « le Camp de Lodi », aux éditions Stock (1). L’ancien comman- dant de la zone Alger-Sahel, l’un des plus hauts gra- dés de l’époque, aujourd’hui décédé, le désigne comme « l’agent d’exécution » de Maurice Audin, jeune professeur de mathématiques de la faculté d’Alger, arrêté par les parachutistes le 11 juin 1957, conduit au centre d’interrogatoire d’El-Biar, sur les hauteurs d’Alger, avant de disparaître à tout jamais. Ce texte inédit, conservé avec les archives de Godard, à l’Université Stanford, en Californie, est le premier document signé d’un officier de l’armée française confirmant que le mathématicien algé- rois a bien été exécuté par un militaire. Et qu’il ne s’est pas évadé, comme le veut la thèse officielle, encore soutenue de nos jours. L’enquête LA BATAILLE D’ALGER Elle démarre en janvier 1957 avec le transfert des pouvoirs de police au général Jacques Massu et à la 10e division parachutiste et s’achève, à l’automne suivant, par le démantèlement de l’organisation FLN et la mort de ses principaux chefs, parmi lesquels Larbi Ben M’hidi. Trois mille personnes, dont Maurice Audin, auraient disparu pendant cette période. AFP LeNouvelObservateur1ER MARS 2012 - N° 2469 12 Alphonsine, la mère, septième d’une famille d’agriculteurs italo-suisses de la région de Blida, a remporté, écolière, le premier prix au certificat d’études du canton. Le couple, installé au centre- ville d’Alger, près de la rue Michelet, a six enfants, dont deux meurent en bas âge. De tous, Maurice est le plus brillant. Il démarre une thèse de doctorat sur « les équations linéaires dans un espace vecto- riel », décroche un poste d’assistant à la faculté des sciences d’Alger. Milite aussi pour défendre ses idées anticolonialistes et adhère au Parti commu- niste algérien en 1950. Il n’a jamais été mêlé à aucun attentat. Il fait un peu de propagande, distribue journaux et tracts, héberge des militants, en aide d’autres à franchir les frontières. Mais le Parti com- muniste algérien, interdit en septembre 1955, sou- tient le FLN. Ses militants, traqués par la police et l’armée, tombent les uns après les autres. Le 11 juin 1957, les militaires viennent chercher Maurice Audin vers 23 heures. Une demi-douzaine d’hommes du 1er régiment des chasseurs parachu- tistes (RCP) grimpent les trois étages de l’immeuble HLM de la rue Flaubert, dans le quartier du Champ- de-Manœuvre, et tambourinent à la porte. Josette Audin, la femme de Maurice, elle aussi professeur demathématiques,ouvrelaporte.Lestroisenfants, Michèle, 3 ans, Louis, 1 an et demi, et Pierre, 1 mois, dorment. « Jemesouviensd’uneinvasiondansl’ap- partement, tout s’est passé très vite, raconte-t-elle. J’ai été enfermée dans une pièce et n’en suis sortie que pour dire au revoir à mon mari. Quand, plus tard, j’ai demandé des renseignements au bureau des militaires, on m’a répondu d’un ton patelin: “Il yadesinterrogatoiresunpeumusclés,maisnevous en faites pas.” » Le mois de juin est l’un des plus sanglants de la bataille d’Alger. Une bombe vient de faucher la jeunesse dorée, qui swinguait avec le groupe de jazz Lucky Starway au Casino de la Cor- niche. Huit morts, quatre-vingt-douze blessés. Le chef d’orchestre est tué sur le coup, un danseur a les jambes sectionnées. Les obsèques des victimes, le 11 juin, tournent à l’émeute. Ratonnades, maga- sins algériens saccagés… Le couvre-feu est instauré en catastrophe à 21 heures. Deux heures plus tard, les parachutistes frappent à la porte de Maurice Audin. L ejeunemathématicienestaussitôtemmené au centre d’El-Biar, un immeuble en construction de sept étages où le 1er RCP interroge les suspects à l’aide de la gégène et de tuyaux remplis d’eau. C’est là qu’il sera vu vivant pour la dernière fois. Henri Alleg, directeur du quotidien « Alger républicain », lui aussi mili- tant communiste, arrêté vingt-quatre heures après Maurice Audin, l’aperçoit dans l’embrasure d’une porte. Alors qu’il est à genoux, que les coups pleu- vent, il entend un parachutiste tonner: « Amenez Audin, il est dans l’autre bâtiment », puis: « Allez, Audin, dites-lui ce qui l’attend. Evitez-lui les hor- reurs d’hier soir! » « J’ai vu son visage blême, dans un brouillard, se rappelle Henri Alleg. Il m’a lâché, dansunsouffle:“C’estdur,Henri.”Voilàladernière image que j’ai de lui. » Quelques mois plus tard, en février 1958, l’ancien directeur d’« Alger républi- cain » révélera dans « la Question » les méthodes et le nom de ses tortionnaires. Georges Hadjadj est le second témoin, des der- nières heures d’Audin. Pneumologue à Bab-el- Oued, également membre du Parti communiste, il a été arrêté peu de temps avant lui, et immédiate- ment emmené à El-Biar. Les sévices durent trois jours. Le troisième soir, un des officiers parachu- tistes menace d’aller chercher sa femme et de la torturer sous ses yeux. Il craque et avoue qu’il a soi- gné, au domicile de Maurice Audin, un des L’enquête “LA QUESTION” Publiée en février 1958 aux Editions de Minuit par Henri Alleg, ancien directeur d’« Alger républicain », « la Question » est le témoignage le plus retentissant sur la torture. Un mois plus tard, après s’être écoulé à 60 000 exemplaires, il est interdit. Dans une lettre de protestation au président de la République, les écrivains François Mauriac, Roger Martin du Gard, Jean-Paul Sartre et André Malraux demandent aussitôt que lumière soit faite sur les méthodes de l’armée. Le colonel Godard accuse « Je suis prêt, à ce sujet, à répondre à toutes les questions qu’on voudra bien me poser, un jour, et je suis sûr que Massu n’en posera aucune. J’ai moi-même affirmé à Guillaumat [ministre de la Défense, ndlr], en décembre 1959, que Charbonnier n’était pas le meurtrier d’Audin. C’est vrai. Mais, quand on sait, comme moi et comme Massu, qu’Audin a été victime d’une “erreur” d’identité, confusion avec Alleg, l’agent d’exécution étant (…), il est permis de suspecter la bonne foi d’un officier général, actuellement commandant supérieur des troupes d’occupation en Allemagne, témoignant sous serment. » Le colonel Godard écrit probablement ces lignes au début des années 1970. Il vit alors à Lessines, en Belgique. Ancien résistant dans le maquis des Glières en Savoie, grand officier diplômé de Saint-Cyr et couvert de médailles, il a été commandant de la zone Alger-Sahel en 1957, pendant la bataille d’Alger, avant de rejoindre les militaires putschistes en 1961 puis l’OAS. Exilé, condamné à mort, puis gracié en 1968 comme les autres « ultras » de l’Algérie française, il publie le premier tome des « Trois Batailles d’Alger » chez Fayard en 1972, trois ans avant sa mort. Ces notes étaient sans doute destinées au deuxième volume, jamais sorti. Elles sont conservées avec tous ses documents personnels, parmi les archives de la Hoover Institution, à l’Université Stanford, en Californie. LeNouvelObservateur1er mars 2012 - n° 2469 L’enquête Josette Audin L’ex-militante au Parti communiste algérien inaugure la place dédiée à son mari, à Paris, le 26 mai 2004, aux côtés de Bertrand Delanoë et de l’historien Pierre Vidal-Naquet. Le courrier qu’elle a envoyé à Nicolas Sarkozy est resté lettre morte. En guise de protestation, sa fille, la mathématicienne Michèle Audin, a refusé la Légion d’honneur. dirigeants du Parti, l’ouvrier métallurgiste Paul Caballero. Quelques heures plus tard, le jeune mathématicien est ficelé sur la planche à tortures, au deuxième étage, dans une pièce disposant d’un évier et d’un robinet. Georges Hadjadj doit répéter devant lui son accusation. « Audinétaitattaché,nu à part un slip, et étaient fixées d’une part à son oreille et d’autre part à sa main des petites pinces reliéesàlamagnétopardesfils », déclarera le méde- cin en 1960 au Comité Audin, créé, entre autres, par l’historien Pierre Vidal-Naquet. Les deux prison- niers passeront ensuite une journée entière dans la même pièce, le 19 juin. « Il portait encore les séquellesdessévices,notammentdesescarresnoires où avaient été accrochées les électrodes, déclare aujourd’hui Georges Hadjadj. Mais il avait quand même bon moral. Il m’a dit qu’il avait résisté, qu’il n’avaitpasparlé.Jen’imaginepasunesecondequ’il ait pu s’enfuir. » C’est pourtant ce que soutiendront les militaires à Josette Audin. Un adjoint du colonel Godard lui annonce que son mari s’est évadé le 21 juin. Il lui lit le rapport officiel, comme le relate Pierre Vidal- Naquet dans « l’Affaire Audin » (2). « Le dénommé Audin Maurice, détenu au centre de triage d’El- Biar, devait subir un interrogatoire (…). Vers 21 heures, le sergent Pierre Misiri, adjoint de l’offi- cierderenseignementsduRégiment,partitchercher le détenu en jeep. Le prisonnier, considéré comme nondangereux,futplacésurlesiègearrièreduvéhi- cule,lesergentMisiriprenantplaceàl’avant,àcôté du chauffeur. La jeep venait de quitter l’avenue Georges-Clemenceauetétaitengagéedansunvirage accentué. Le chauffeur ayant ralenti, le détenu sauta du véhicule et se jeta dans un repli du terrain ou est installé un chantier, à gauche de la route. Le sergent Misiri se rendant compte aussitôt de l’éva- sion, sauta à bas de la jeep et tira immédiatement des rafales de pistolet-mitrailleur. » Une mise en scène grossière. Yves Cuomo, le chauffeur de la jeep, le confirme aujourd’hui au « Nouvel Observa- teur »: « Je ne savais pas qui je transportais à l’ar- rière du véhicule. L’homme était cagoulé. Je n’ai jamais vu son visage. D’ailleurs, il y a quatre, cinq ans,undesmilitairesenposteàAlgerm’atéléphoné. Il m’a dit que l’opération était un simulacre, que Maurice Audin était à ce moment-là déjà mort. » A ucune douille, aucune balle, aucun indice ne sera retrouvé autour de l’ave- nue Georges-Clemenceau, où le jeune mathématicien est censé s’être échappé. Josette Audin dépose plainte contre X pour « homi- cide volontaire » en juillet 1957. Début d’une série d’enterrements judiciaires. En avril 1962, un pre- mier non-lieu tombe pour insuffisance de charges. Quatre ans plus tard, en décembre 1966, la Cour de Cassation déclare l’action de la justice éteinte, à la suite d’une amnistie promulguée pour toutes « les infractionscommisesentrele1er novembre1954etle 3 juillet 1962 [début et fin de la guerre, ndlr], dans lecadred’opérationsdepolitiqueadministrativeou judiciaire,durétablissementdel’ordreoudelalutte contre les entreprises tendant à empêcher l’exercice de l’autorité de l’Etat ». Un ultime non-lieu est pro- noncé en juillet 2002: Josette Audin avait déposé une nouvelle plainte « pour séquestration et crime contre l’humanité ». Elle écrira aussi à Nicolas Sarkozy, après son élection à l’Elysée, en juin 2007: « Vous qui invoquez fréquemment l’honneur de la France, ne la laissez pas, pour un temps encore, se déshonorer en cautionnant la dissimulation hon- teuse de cette mort. » Le président ne daignera pas lui répondre. Un nouveau courrier vient de lui être adressé à l’initiative de l’Association Maurice- Audin, qui a succédé au Comité Audin. Il est signé de Benjamin Stora et de Mohammed Harbi. Les deux historiens spécialistes du conflit réclament « la levée du secret défense sur tous les documents relatifs à l’affaire » pour « rétablir la vérité histo- riquesurunévénementmarquantdelaguerred’Al- gérie ». Jusqu’à présent, l’hypothèse la plus souvent évoquée (mais toujours démentie par l’armée) était celle de Pierre Vidal-Naquet, l’auteur de « l’Affaire Audin », décédé en 2006. Selon lui, Maurice Audin aurait été étranglé « dansunaccèsdecolère » par un des parachutistes d’El-Biar, le lieutenant André Charbonnier, au cours d’un interrogatoire. L’histo- rien se fondait alors sur le témoignage du commis- saire central d’Alger, Jean Builles, qui avait déclaré lors de l’instruction de la première plainte de Josette Audin: « MêmesilenomdeCharbonniern’a pas été prononcé, cet officier était bien le seul à pou- voir être mis en cause. » L’accusation posthume et le scénario évoqué par le colonel Godard dans ses notes manuscrites (Maurice Audin aurait été exé- cuté, par erreur, à la place d’Henri Alleg) ouvrent une nouvelle piste. « Audin a été assassiné, cela ne fait aucun doute, conclut l’historien spécialiste des questions mili- taires, Jean-Charles Jauffret. Probablement par ce sous-lieutenantdésignéparGodard.Leproblèmeest que pour ce genre de basses œuvres, les traces écrites sonttrèsrares.Detelsordresétaientdonnéspartélé- phone ou via un messager, toujours par oral. Les comptes-rendus d’opérations n’étaient évidemment passystématiques.Aussaressesatenusescarnets,son fameuxcahiermanifold,audébutdelaguerre,mais rien n’indique qu’il ait continué à le faire pendant la batailled’Alger.Lui-mêmeaeudesproposcontradic- toiresàcesujet.Seulslestémoinspourrontrévélerce qui s’est réellement passé. » Mais ils meurent les uns après les autres avec leurs secrets. Yves Godard en 1975,AndréCharbonnieren1995,JacquesMassuen 2002… Dans quelques années, inexorablement, ce sera au tour du vieux monsieur qui, dans une ville de Bretagne, garde sa porte fermée. Nathalie Funès (1) « Le Camp de Lodi. Algérie, 1954-1962 », de Nathalie Funès. Stock, 14 mars 2012. (2) « L’Affaire Audin. 1957-1978 », de Pierre Vidal-Naquet, Editions de Minuit, 1989. Paul Aussaresses A la suite de la publication de « Services spéciaux, Algérie 1955-1957 » (Perrin), où il raconte notamment les exécutions arbitraires de l’avocat Ali Boumendjel et du chef FLN Larbi Ben M’hidi, le général Aussaresses est condamné en janvier 2002 à 7 500 euros d’amende pour « complicité d’apologie de crime de guerre ». Une plainte a été déposée par trois associations, dont la Ligue des Droits de l’Homme. martinbureau-afp/jeanayissi-afp 14 18 t él éphon es rouges 22 monde 24 planète 25 médias 26 economie 27 société 28 tendances Politique Présidentielle NKM : ça déménage ! En passant du ministère de l’Ecologie au porte-parolat de la campagne de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet (photo) a eu l’impression de quitter sa « maison ». Il fallait la prendre au pied de la lettre: elle a dû aussi partir de son logement de fonction. Elle n’est toutefois pas à la rue: maire de Longjumeau (Essonne), elle va retrouver son siège à l’Assemblée nationale et sa maison de Villebon, dans sa circonscription. L’ancienne ministre n’exclut pas de louer également un appartement à Paris jusqu’à l’élection présidentielle. Même cause, conséquence différente: Guillaume Lambert, directeur de la campagne du président-candidat, a, lui, demandé à continuer d’habiter son logement de fonction, qu’il occupait en tant que chef de cabinet de l’Elysée, au moins jusqu’à la fin du mois de mai. Requête acceptée car motivée par des « contraintes familiales », jure-t-il. Il ne pourra cependant « plus en disposer dans les mêmes termes »: « Je vais payer un loyer dès la fin du mois de février. » Un loyer qui est en cours d’évaluation… JulienMartin jacquesdemarthon-afp/bazizchibane-sipa/frankperry-afp La vengeance de Dati Pour Rachida Dati (photo), le fait d’avoir pu accompagner Nicolas Sarkozy, la semaine dernière, lors de son meeting de Lille est une revanche sur François Fillon, bien sûr, mais aussi sur Brice Hortefeux. Ces derniers mois, l’ancien ministre de l’Intérieur a tout fait, assure-t-elle, pour promouvoir une nouvelle championne de la diversité, Salima Saa, qui fait partie de la cellule Riposte qu’il anime. En conflit de longue date avec Hortefeux, Dati estime que ce dernier joue surtout un rôle très secondaire dans la campagne de Sarkozy. Baroin régisseur Lors des prochains déplacements ou meetings du candidat- président, plusieurs ministres viendront lui prêter main-forte. Crise monétaire oblige, le ministre de l’Economie François Baroin explique toutefois qu’il restera le plus souvent possible à son bureau de Bercy, avec sa collègue du Budget Valérie Pécresse: « Nous, on éteindra la lumière. » Sarko et les inconnus Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il choisi son discret chef de cabinet à l’Elysée, Guillaume Lambert, 40 ans et ancien préfet, comme directeur de campagne? Réponse sans détour de l’intéressé: « NicolasSarkozysouhaitaituneéquipejeune, resserréeetopérationnelle.Pasledécalqued’unparti politique.Jesuisunserviteurdel’Etat,inconnudes médias.C’estluiquiestainsisurledevantdelascène politique,passonéquipedecampagne. » Les lumières du centre Après avoir tout fait pour tuer la candidature d’Hervé Morin(photo), François Sauvadet s’attaque à celle de François Bayrou. Le ministre Nouveau Centre rêve que le président du MoDem renonce à sa candidature ou, au moins, se range dans le camp de la majorité présidentielle. « Jeluidis: “Reviensàlamaison,onalaissélalampeallumée pourtoi.Tuyastoutetaplace”.Tantquela lampeestallumée,ilyadel’espoir », lance-t-il. Sans trop d’illusions toutefois! Les petits services de Proglio Henri Proglio n’est plus totalement maître à Veolia, mais il l’est bien devenu à EDF. Il vient ainsi d’embaucher Ludivine Olive, ancienne chef de cabinet de Michèle Alliot-Marie, laquelle n’est autre que… sa tante. Celle qui percevait à son ancien poste un salaire digne d’un secrétaire d’Etat – 12000 euros net par mois – sera chargée des relations institutionnelles avec les élus. Elle en connaît au moins une! Le loto de 2012 Et si on parlait « clérocratie » durant la présidentielle? Mieux que la démocratie et ses élections, la clérocratie est un système politique qui désigne les gouvernants par tirage au sort. Son initiateur, François Amanrich, assure avoir réuni les 500 parrainages nécessaires pour se présenter. Il avait échoué à deux reprises en 2002 et 2007. 20 LeNouvelObservateur1er mars 2012 - n° 2469 T é l é phon e s roug e s Fichier L’autre pactole du PS L’UMP avait crié au « fichage politique », tonné contre les conditions d’organisation de la primaire citoyenne… Et puis, plus rien! Les listes d’émargement des votants ont été détruites sous contrôle d’huissier, tandis que les coordonnées des quelque 700 000 personnes souhaitant être recontactées durant les campagnes présidentielle et législatives sont précieusement conservées dans un ordinateur au siège du PS, sous la dénomination « Base unique personnalisée ». « C’est un très bon outil », se félicite aujourd’hui l’équipe de campagne de François Hollande, qui envoie « deux à trois messages de mobilisation par semaine », en plus des envois de « sectorisation » puisque chaque candidat aux législatives a accès à la base pour sa circonscription. Seule protestation: le Parti radical de gauche, co-organisateur de la primaire citoyenne, regrette de ne pouvoir en bénéficier et assure que « c’est un conflit à régler ». Le problème provient de la déclaration préalable faite à la Cnil, faisant du PS le seul propriétaire pour les échéances électorales de 2012. Pour ne pas perdre ce pactole, le parti de Martine Aubry (photo) enverra d’ailleurs un dernier courrier à la rentrée prochaine invitant ces 700000 personnes à prendre durablement leur carte. JulienMartin Politique bazizchibane/sichov/baltel/meigneux-sipa- en hausse Gérard Leclerc PDG de La Chaîne parlementaire- Assemblée nationale (LCP-AN) depuis juin 2009, le journaliste a été reconduit pour un second mandat par un comité de sélection représentant tous les groupes politiques présents à l’Assemblée nationale. Luc Laventure, directeur éditorial à France Télévisions, et Lionel Boisseau, ancien rédacteur en chef de « Ce soir ou jamais », étaient également candidats. en baisse Henri Guaino Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy a perdu ses nerfs face à Jérôme Guedj, président PS du conseil général de l’Essonne, lors d’un débat samedi dernier sur France 3 Ile-de-France. « Si je vous traite de sale con, ça va vous plaire? », a d’abord attaqué Henri Guaino. Avant d’asséner: « Taisez-vous, vous avez assez parlé! » Uneinfoàtransmettre ?jmartin@nouvelobs.com La curiosité fiscale de Cahuzac Le socialiste Jérôme Cahuzac a demandé à avoir accès au dossier fiscal de Maurice Bidermann, homme d’affaires condamné dans l’affaire Elf et toujours soupçonné de fraude fiscale. Comme le ministre du Budget, le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale peut examiner les situations de tous les contribuables, mais demeure soumis au secret fiscal. Il avait déjà demandé les dossiers de Ziad Takieddine ou encore de Bernard Tapie. Chevènement négocie encore! Rallier François Hollande ou Jean-Luc Mélenchon? Jean-Pierre Chevènement ne s’est toujours pas officiellement décidé… mais continue de négocier avec le PS. Son Mouvement républicain et citoyen exige dix candidats titulaires et six suppléants aux législatives, alors que le PS bloque à neuf candidats titulaires… dans des circonscriptions souvent acquises à la droite. Au Sénat, on indique également que l’élu de Belfort n’a toujours pas renoncé à obtenir une présidence de commission. Les lignes bougent lentement… Quand la gauche s’éclate… A la faveur des alliances électorales, les députés de gauche pourraient se répartir entre quatre groupes à l’Assemblée nationale – contre deux actuellement – à l’issue des prochaines législatives. A côté des groupes socialiste et communiste, on devrait voir apparaître un groupe écolo et un groupe radical de gauche. EELV a déjà obtenu du PS 60 circonscriptions « protégées » et le PRG, 32. PCF: ministre contre sénateur? Parmi les communistes qui pourraient entrer au gouvernement, en cas de victoire de la gauche à la présidentielle, le nom de la sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat (photo) est cité par l’équipe de François Hollande. Outre le fait d’être une femme, cette spécialiste des questions juridiques présenterait aussi l’avantage de laisser son siège au Sénat à un autre communiste: Pierre Laurent, secrétaire national du PCF et premier non-élu sur la liste de gauche à Paris aux dernières sénatoriales. 22 LeNouvelObservateur1er mars 2012 - n° 2469 T é l é phon e s roug e s Diplomatie française Le sauve-qui-peut des conseillers Et de trois! Après Yves Marek et Damien Loras, c’est au tour de Bertrand Lortholary de se retrouver dans le viseur de la CFDT du ministère des Affaires étrangères. Leur crime? Avoir été parachutés à des postes d’ambassadeur au mépris des règles d’embauche : tous trois conseillers, pour le premier du Sénat, pour les deux autres de l’Elysée, ils ne peuvent prétendre à la fonction, faute d’avoir exercé des responsabilités dans l’encadrement et justifié de trois années de service à l’étranger. Depuis que Nicolas Sarkozy a réussi à imposer Boris Boillon à Tunis, début 2011, alors qu’il ne remplissait pas ces conditions, le syndicat fait la chasse aux nominations irrégulières. Le premier à en avoir fait les frais est Marek, comme l’a révélé le site acteurspublics.com: nommé en juin à Monaco, il n’a jamais remis ses lettres de Amériques Pas de sommet sans Cuba Le6e Sommetdes Amériques,quidoitse tenirenavrilà Carthagène,en Colombie,estenpéril. Lespaysanti- impérialistesrassemblés auseindel’Alba (Alliancebolivarienne pourlesPeuplesde notreAmérique),dont l’Equateur,laBolivieet leVenezuela,appellent auboycottsiCuban’est pasinvité.L’île caribéenneestleseul pays,excluparles Etats-Unis,àn’avoir jamaisparticipéàcette rencontre.Sesalliés estimentindispensable d’aborderlorsdu sommetlaquestion dublocusaméricain surCuba. Monde créance, la CFDT ayant déposé un recours devant le Conseil d’Etat. Loras n’a, pour sa part, même pas eu le temps d’être nommé au Brésil : la menace d’une action en justice a fait reculer l’administration. Quant à Lortholary, deux recours contre sa nomination en Indonésie, entérinée mi-février, ont été déposés en début de semaine. « On risque l’incident diplomatique », commente la CFDT. Très agacée par ces sorties de cabinet aux forceps de « jeunes loups sarkozystes », la centrale syndicale attend sur le pied de guerre « les trois-quatre autres nominations du même type qui vont certainement avoir lieu dans les prochaines semaines ». Et d’en conclure qu’« il y a une ambiance de sauve-qui-peut avant l’élection ». SarahHalifa-Legrand Palestine-Golfe L’huile du Prophète Leprésidentpalestinien, MahmoudAbbas,apro- voquéunéclatderire générallorsdel’ouver- turedel’austèreConfé- renceinternationalesur Jérusalem,auQatar, enactualisantavecun humourinhabituelles proposduProphète. « Auxmusulmansquine rappelé,leProphète conseillaitdemanifester leursoutienenenvoyant del’huileàJérusalem. Ilparlaitbiensûrd’huile d’olive.Aujourd’hui, nousacceptonsaussi l’huileextraitedevotre sous-sol. »Allusionclaire auxpromessesoubliées d’aidefinancièrede certainsEtatsdugolfeà l’Autoritépalestinienne. Turquie L’autre “Exodus” A Istanbul, la commu- nauté juive et des activistes turcs ont commémoré pour la première fois la tragédie du « Struma ». Pendant l’hiver 1942, un navire transportant 769 juifs qui fuyaient la Roumanie a fait escale dans le Bosphore. Les Britanniques bloquaient l’immigration en Palestine. Ankara a refusé de laisser débarquer les réfugiés et a abandonné le bateau à vapeur, en panne, en mer Noire. Un seul passager a survécu au naufrage. Soixante-dix ans après, les manifestants ont réclamé des excuses aux autorités turques. Thaïlande Les OSS 117 de Téhéran LestroisIraniens (photo)arrêtésaprès l’échecdeleurtentative d’attentatcontre l’ambassaded’Israëlà Bangkok,le14février, s’étaientauparavant offertunpeudebon tempsàPattaya,haut lieudutourismesexuel thaïlandais.Aumenude cesquatrejours :billard, alcooletprostituées. L’uned’entreelles,Nan, aexpliquéàlapolice thaïeavoirreçu « unbon paquetdedollars »pour ramenerdescopineset divertirlesfauxtouristes iraniens.Unephoto prisedansunbarà chichatémoignedece séjourmoyennement islamiste. Mahmoud Abbas Bertrand Lortholary (à gauche) ericfeferberg-afp/madjimohammed-ap-sipa/afp-thaipolice pouvaientserendreàla mosquéeal-Aqsa,a-t-il 24 LeNouvelObservateur1er mars 2012 - n° 2469 T é l é phon e s roug e s Planète Amiante 100 000 victimes sans juge C’est confirmé : la magistrate Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui instruisait l’inextricable affaire de l’amiante, a été dessaisie en février 2012. Aussi légitimes puissent être les motivations – non rendues publiques – de la cour d’appel de Paris, cette éviction signe l’une des plus grandes faillites judiciaires de ce pays. Certes, deux juges viennent d’être nommés, mais il leur faudra des mois pour décortiquer les seize années de procédures et les quelque 44 tomes d’actes et de documents. Une insulte pour les 100000 victimes « attendues » d’ici à 2025, qui seront de moins en moins nombreuses à pouvoir espérer croiser, au tribunal, le regard des responsables français de la société Eternit. Et leur demander pourquoi ils ont persisté à produire un isolant dont l’extrême toxicité était établie. A ce jour, toutes les principales mises en examen ont été annulées. La faute à la complexité de l’incrimination de « mise en danger d’autrui »? Ou à la mauvaise volonté des parquets, qui « freinent des quatre fers », selon la formule de l’avocat des parties civiles maître Teissonnière ? Une certitude : la justice italienne a conclu voilà quelques semaines, là où la justice française se crashe. Le verdict de Turin? Seize ans de prison ferme pour les deux principaux actionnaires d’Eternit Italie. Ils sont en cavale, mais jugés. Guillaume Malaurie Salon de l’Agriculture : demandez la vache pie noir ! Vous allez en voir cette semaine de somptueuses bêtes à cornes de concours ou de sympathiques verrats joufflus. Au Salon de l’Agriculture, c’est d’abord le côté jardin qu’on exhibe. On montre beaucoup moins la chimie lourde et les premières fermes industrielles picardes où les « vaches- machines », dites aussi « pisse-laitières », ne sortent jamais de leur box. Jamais. Pour comprendre cette schizophrénie et imaginer des solutions, prenez le temps de lire l’excellent livre de l’agronome Marc Dufumier : « Famine au Sud, malbouffe au Nord » (NiL Editions). Et puis, au Salon, demandez aussi à voir les petites vaches bretonnes pie noir. La race était à deux doigts de s’éteindre pour productivité insuffisante. Jusqu’à ce qu’on comprenne que leur rusticité – elles vivent dehors été comme hiver sans entretien – pouvait être aussi un atout. Fiat lux Avant de porter la parole du candidat Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet a donné son feu vert à un chantier très attendu. L’idée consiste à inciter les 31900 communes de moins de 2000 habitants à réduire de 25% l’éclairage public en remplaçant plusieurs millions de lampes à vapeur de mercure très fortement énergivores. Une économie d’électricité colossale en vue, d’autant plus utile que les luminaires sont mis en marche à la tombée du jour, quand la demande est la plus forte et la part de pétrole, de gaz, de charbon brûlés, la plus importante. Surtout l’hiver. Marine Le Pen : le vert n’est pas sa couleur L’écologie, Marine Le Pen ne supporte pas : « Je suis contre les éoliennes, c’est immonde et ça ne marche pas. » Le bio? Une « dictature » et une « histoire de gros sous enrobés dans de bons sentiments ». Le changement climatique? « Mon père m’expliquait déjà que le Sahara gagnait 1 kilomètre par an… » Particules fines : le décret est zappé La France sera certainement condamnée par la Cour de Justice européenne pour la pollution de son atmosphère en particules fines. Responsables : les moteurs Diesel. Un décret devait réguler la circulation des véhicules les plus émetteurs dans les zones plus touchées. Raté. Il a été reporté à 2013. Le Sénat met la loupe sur les pesticides C’est une première au Palais du Luxembourg. Une mission d’information sur l’impact des produits phytosanitaires a été créée à l’initiative du PS. La présidente en est Sophie Primas (UMP, Yvelines), tandis que Nicole Bonnefoy (PS, Charentes) sera rapporteur. GIUSEPPECACACE-afp/ThierryCREUX-OUESTFRANCE-maxppp/JoannaTarlet-Gauteur-picturetank/FREDTANNEAU-afp 25 LeNouvelObservateur1er mars 2012 - n° 2469 T é l é phon e s roug e s Médias Quotidiens Vers un gel des aides ? En apprenant qu’Olivier Henrard quittait l’Elysée pour rejoindre le QG de campagne de Nicolas Sarkozy, plus d’un patron de presse a blêmi. Car, en partant, leur interlocuteur habituel au Château laisse derrière lui un dossier crucial qu’il n’a pas réglé : celui des aides directes à la presse. Le décret (c’est-à-dire un texte qui dépend uniquement du gouvernement et n’a pas besoin de passer devant le Parlement) est prêt depuis octobre 2011. Mais les semaines défilent et il n’est toujours pas signé et, a fortiori, pas publié. En jeu, 273 millions d’euros. L’éventail des aides est large : au portage, à la modernisation, au développement des services en ligne, au transport postal… Leur réaménagement avait été décidé dans la foulée des états généraux de la presse. En lançant cette vaste concertation, en 2008, Nicolas Sarkozy était clair : il faut vérifier que « les règles créées à la Libération atteignent les buts fixés. Si ce n’est pas le cas, on change les règles ». Cette réforme, observe un représentant de la presse régionale, « a été impulsée par le président de la République, nous ne pouvons pas imaginer qu’elle ne se concrétise pas mais nous sommes tout de même très soucieux. Nos investissements sont gelés ». Si la presse crie au loup, c’est que deux quotidiens (« la Tribune » et « France Soir ») ont abandonné leur version papier pour se replier sur internet, et un troisième (« Paris Normandie ») demande son placement en redressement judiciaire. « Sans ces aides, les comptes de “Libé”, du “Figaro” ou du “Monde” ne sont pas flamboyants. Si le gouvernement passe ces crédits à la trappe, c’est la bérézina assurée en septembre », prédit un patron de quotidien national. Véronique Groussard “Le Monde” : Bergé, prophète ni dedans ni dehors Canal+ : Lescure de nouveau sur la photo « Voici un homme sans qui nous ne serions pas là » : dix ans que Pierre Lescure attendait ces mots par lesquels Michel Denisot l’a accueilli au « Grand Journal », le 20 février, pour la sortie d’« In the baba » (Grasset). Depuis son limogeage, en 2002, de Canal+, chaîne qu’il a cofondée puis présidée, Lescure y était persona non grata. Est-ce pour éviter qu’il en fasse état à l’antenne ? Ou parce qu’il fait partie de l’équipe officieuse de François Hollande ? En tout cas, son successeur, Bertrand Meheut, avec lequel les relations étaient, jusqu’ici, d’un froid polaire, est venu discuter longuement avec lui. Et Rodolphe Belmer, le numéro deux de la chaîne, est passé le saluer en fin d’émission. John de Mol : le retour Le producteur néerlandais John de Mol (photo) n’a pas perdu la main. Le créateur qui a révolutionné – et pas seulement en bien – la télé avec « Big Brother » (« Loft Story » dans la version française) est aussi celui de « The Voice ». Dans ce télé-crochet, les candidats sont, au départ, choisis à l’aveugle sur leur seul talent vocal. La première émission a été suivie par 9,2 millions de téléspectateurs sur TF1, le 25 février. Des chiffres qu’actuellement seules les séries américaines ou de très grandes compétitions sportives sont capables d’atteindre. Césars : les vannes anti-Sarko ne font pas rire Boyon Les vannes anti- sarkozystes dont Antoine de Caunes a émaillé la soirée des Césars qu’il animait ont provoqué l’hilarité de la salle. Mais pas celle de Michel Boyon (photo ci-dessous). La caméra ne l’a pas montré mais, installé au premier rang de la corbeille, le président du CSA n’a pas esquissé ne serait-ce que l’ombre d’un sourire. Il semblait même assez énervé... Ses voisins, Eric Garandeau, président du CNC et ancien collaborateur de l’Elysée, et Rémy Pflimlin, président de France Télévisions, nommés par Sarkozy, ont été, eux, légèrement moins stoïques. Interrogé dans « VSD » sur l’éventualité de publier une tribune dans « le Monde » si François Hollande est élu, l’un des actionnaires du quotidien, Pierre Bergé, réplique : « Ohnon !Voussavez,lesjournalistes nelepermettraientpas. » Il y a « unmurde Berlinentrelarédactionetlesactionnaires. L’intelligenceétantd’uncôté,ilnefaudraitpasque lesactionnairesviennentpolluerlarédaction ! ». La lecture de « GQ » ne l’aura pas rendu plus guilleret : le mensuel, qui liste les trente qui comptent dans les médias, a retenu les deux autres actionnaires du « Monde », Xavier Niel et Matthieu Pigasse – ainsi que Louis Dreyfus, président du directoire du quotidien –, mais a zappé Bergé. meigneux/sipa-ibo:sipa-fayollepascal/sipa-jenskalaene/afp-dpa-mehdifedouach/afp
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