PARISCOPE n°2262 - Page 5 - / DANS LEPOUR TROUVER LA PERLE RARE, ON FLÂNE ET ON CHINE DANS LES BROCANTES DE OUARTIER ! Par Marie-Anne Bruschi Madame Chose, c'est le joli nom de cette brocante tenue par Mélanie, une amoureuse de la chine ! Depuis un an tout juste, elle parcourt la province pour dénicher le meuble sympa et le petit objet qu'elle achète au feellng, par coup de cœur. Sa priorité restant les proportions en évitant les grosses pièces. « C'est Important que le mobilier s'adapte aux appartements parisiens » note-t-elle. A prix raisonnables, elle expose des tables de chevet, des petits bureaux, des armoires qui peuvent correspondre aux chambres parisiennes (entre 150 € et 300 €) et aussi quelques chaises (à 35 € pièce environ...). Elle propose pas mal de meubles des années 50, car c'est « une grande demande en ce moment, tout comme les tables aux pieds en compas » précise-t-elle. Mais, elle avoue un faible pour les produits « campagne » (panier, objets en bois...) qui ont un style plus brocante. Elle craque aussi pour les réveils avec plein de modèles différents (à partir de 14 €), les boîtes et les accessoires des années 30 à 70. Pour toujours créer la (bonne) surprise, elle introduit des nouveautés toutes les semaines que l'on peut aussi retrouver sur son site. Une façon simple pour le client de faire un tour d'horizon de la marchandise avant de se déplacer en boutique. Elle propose même de chiner pour vous un meuble en particulier et peut, bien sûr, le personnaliser ou le retaper selon vos demandes I • Ouverte il y a un an, la Broc'Martel vaut le détour. Primo parce que ce quartier du 10e est en plein boom, secundo parce que la proposition est de bon goût. Le mobilier et les objets présentés comme dans un cabinet de curiosités apportent du cachet au lieu. A l'intérieur, on découvre des meubles industriels, de métier, d'art forain... C'est Laurence Peyrelade qui est aux commandes. Cette ancienne acheteuse dans la mode a toujours aimé chiner. Elle sillonne régulièrement la France avec une prédilection pour le Nord. « Je sélectionne aussi bien une machine à sous de bistrot des années 20 qu'une lettre en métal (à partir de 35 €) ou un moule à gant en céramique (120 €). L'idée est de créer un univers charmant dans lequel tout le monde trouve son compte » lance-t-elle. Pari gagné ! Car ici les moules à chapeau en bois côtoient les flacons de laboratoire et de pharmacie, les cloches de jardin en verre ou la dame-jeanne, cette grande bouteille qui contenait jadis du cognac. Et comme Laurence aime le mélange du bois et du verre, « qui apporte de la légèreté et de la féminité », on retrouve pas mal de petits flacons exposés sur les tables. Chaque semaine, de nouvelles pièces arrivent, des chaises en tôle émaillée, des meubles à tiroirs avec beaucoup de rangements, des suspensions industrielles en métal, du Tolix, des tabourets Singer, des lampes Jielde, des projecteurs Cremer, des vestiaires Strafor... « Ce sont les incontournables du genre I » précise-t-elle. Chaque pièce est restaurée si besoin pour être vendue dans un état impeccable. • Retrouvez les adresses page 190 • semaine du 28 septembre au 4 octobre • Pariscope • 7 Eva Pritsky possède une boutique à Ménilmontant qui ne ressemble à aucune autre : une brocante qui fait aussi buvette et où quasiment tout est à vendre (sauf les verres et quelques pièces personnelles) ! Par exemple, la chaise en scoubidous des années 60 sur laquelle vous êtes assis, eh bien, si vous déboursez 60 € vous pourrez repartir avec, une fois votre limonade finie I Et le globe lumineux (une obsession de la propriétaire des lieux, à partir de 60 €) et la table bistrot aussi si ça vous chante I De 15h à 2h du matin, Eva vous accueille et l'on n'est pas obligé de consommer pour regarder ! Elle chine à Paris et achète « ce qui lui passe par la tête » : table de jardin, lampe, un peu de livres, du petit mobilier (bureaux, tables de nuit, fauteuils...). Les meubles sont dans leur jus ou restaurés par ses soins (elle travaille avec un tapissier pour les fauteuils) et ça tourne régulièrement. En ce moment, elle est très fière de la collection de boules de neige qu'elle a dégotée : une cinquantaine, toutes différentes, qu'elle veut exposer en vitrine I Elle organise aussi régulièrement des expositions d'artistes. • BRIC-A-BRAC INDUSTA deux pas de la rue Faidherbe, Carouche s'est installé depuis neuf ans maintenant. Dans un désordre savamment orchestré, les meubles de métier cohabitent avec des meubles industriels : étagères de boulanger, mobilier médical, caisse militaire, casier administratif, tabouret d'atelier (60 €)... Ici, on aime les objets qui ont une histoire et on prend plaisir à la raconter. Chaque pièce est restaurée, dans le but de lui redonner vie, de lui apporter une valeur ajoutée. Les fans de lettres d'enseignes pourront revoir leur alphabet (à partir de 100 €) ou leur code de la route avec des panneaux anciens de signalisation (60 € le passage clouté). On trouve pas mal de miroirs de tous les styles (240 € pour un modèle années 40). L'ensemble est égayé par des créations contemporaines soigneusement sélectionnées par la maîtresse des lieux : livres d'intérieurs parisiens, torchons blancs imprimés de photos de fourchettes, couteaux ou blaireaux, papeterie japonaise et autres petits carnets colorés (8 € le modèle marqué « carnet de tous les jours » ou « c'est à ne pas oublier »...), mousse pour les mains ou bougies d'ambiance de la gamme Le Père Pelletier (fabrication française). Il y a aussi quelques dead stocks, ces produits neufs mais d'époque : savon de Marseille (2 €), cahiers d'écolier, buvards... Et selon les occasions, une exposition de photos anime les murs. • Débutants, pratiquants ou tout simplement curieux, rendez- vous dimanche au Champ de Mars pour la plus grande session de yoga de France. A l'occasion de la journée internationale de la non-violence, mais aussi date anniversaire de la naissance de Gandhi, cette première édition initiée par le site communautaire Sport for Us attend quelque 2 000 participants vêtus de blanc (inscription gratuite via le site). Cet événement unique est animé par la star new-yorkaise du yoga, Elena Brower. (Renseignements page 57). • La culture en evenLa culture en éveil Depuis son lancement en 2002, la Nuit Blanche connaît un franc succès auprès des Franciliens, touristes et visiteurs de tous âges. A l'occasion de ses 10 ans, i'événementqui mixe savamment la création contemporaine, le patrimoine et la déambulation nocturne élargit son horizon en offrant trois nouveaux parcours. Au quartier du Marais-Hôtel de Ville, cœur historique de la manifestation, s'ajoutent Ame les circuits Batignolles-Pigalle, la Nouvelle-Athènes-Saint-Georges et Montmartre-Anvers. Sculptures, installations, projections, performances... d'une trentaine d'artistes internationaux investissent, dans la nuit de samedi à dimanche, les jardins, églises, théâtres ou musées, à l'image de Pierre Ardouvin qui s'installe à l'Hôtel d'Albret avec son projet « Purple Rain » - inspiré de la chanson de Prince et du film éponyme réalisé par Albert Magnoli -, dans lequel le visiteur est invité à cheminer sous une pluie fine de couleur mauve et en musique, un parapluie à la main. (Renseignements page 57). • Bien sûr I Et la bonne nouvelle c'est que c'est vous qui êtes aux commandes d'un Boeing 737 grâce à Flight Expérience. Ce concept néo-zélandais a ouvert en juin dernier son centre de simulation aérienne à Paris, une première européenne. Installé à bord d'un cockpit, véritable réplique du Boeing, et encadré par un pilote professionnel qui vous prodigue tous les conseils nécessaires, vous vivez l'aventure d'un vol dans des conditions proches du réel. Saisissant I Vous avez le choix entre diverses formules qui vont du vol court avec survol de Paris, au programme décollage, atterrissage, vol entre deux villes, en passant par une simulation comprenant atterrissage d'urgence suite à un problème moteur... Une expérience inoubliable et le plein de sensations garantis. Alors, néophytes, pilotes expérimentés et autres passionnés d'aviation, prêts pour l'embarquement ? (vol à partir de 169 €). • Partez à la découverte de la presqu'île indochinoise avec « Passion Indochine » qui, pour la première fois en France, organise une exposition consacrée conjointement au Vietnam, au Laos et au Cambodge. Ces trois pays nous invitent à faire plus ample connaissance à travers un vaste programme d'animations, de rencontres culturelles et gastronomiques et de photos de Marc Riboud, Nicolas Cornet, Lâm Duc Hiên au sein de trois pavillons (Hommes et Cultures, Patrimoine mondial Unesco, Richesses Naturelles, ) installés les 30 septembre et 1* octobre au Parc Floral. (Renseignements page 57). • .¿lAO^e sejore*J>Ae. ¿011 LA DERNIÈRE COMPAGNE D YVES MONTAND A SUPERVISÉ LA VÉRACITÉ HISTORIQUE DU SPECTACLE « MONTAND ET LES FEMMES » QUI SE JOUE LE 3 OCTOBRE AU THÉÂTRE MOGADOR. ELLE NOUS PARLE DU PARIS QU'ELLE A PARTAGÉ AVEC CE MONSTRE SACRÉ Avez-vous un souvenir de balade ? Montand était quelqu'un qui marchait beaucoup, donc tous les jours on se baladait autour de l'île de la Cité. On traversait le Pont Neuf, on empruntait le quai de la Mégisserie et on revenait par le palais de justice, c'était LA promenade par excellence. Parfois, il nous arrivait d'aller au cinéma sur les Champs-Elysées et Yves voulait prendre le métro pour quelques stations. Alors il mettait sa casquette, celle qu'il avait dans , « Le choix des armes », prenait un air un peu sévère, et les gens qui rentraient et s'asseyaient disaient : « Tiens, on dirait Montand... » mais n'osaient pas venir vers lui. Et au moment où nous quittions le wagon et que les portes se fermaient, il leur faisait un large sourire. Je fréquente aussi le jardin du Luxembourg, c'était le lieu de jeux de Valentin et c'est toujours émouvant pour moi de m'y promener en évoquant mon fils enfant. Si Paris s'incarnait dans une chanson, un film, une œuvre d'art ? Quelle Parisienne ëtes-vous ? Parisienne d'adoption, car je suis champenoise. J'habitais à Epernay avec mes parents, mais je venais fréquemment à Paris qui pour moi était un centre d'attraction. Même quand nous sommes descendus vivre dans le Midi, à Saint-Paul-de-Vence, quand j'avais 14 ans, j'y venais très souvent. Mon premier souvenir, qui remonte à loin, c'est avec ma mère et ma grand-mère : nous étions allées voir « La valse de toréadors » avec Louis de Funès, j'avais adoré. On faisait aussi les boutiques toutes les trois, mais c'était surtout un moment réservé à la culture ; le soir on allait toujours voir une pièce. Je vis à Paris depuis vingt-cinq ans ; déjà place Oauphine avec Montand, pas à La Roulotte bien sûr, mais dans un petit appartement un peu plus loin. Aujourd'hui, j'habite le 6e , dans un lieu qu'il avait lui-même souhaité, mais dans lequel malheureusement il n'a pas eu beaucoup le temps de vivre. J'aime ce quartier car il y a beaucoup de cinémas, nous y allions souvent avec Yves. Et puis c'est jeune, vivant, ça bouge. J'aurais du mal à partir ailleurs, il y a quand même une vie de village ici : la rue de Buci, la rue Mazarine et la rue de Seine. J'adore « Le centaure » de César qui était un ami ; je le regrette vraiment. Quand je passe au carrefour de la Croix-Rouge je pense à lui, à toute cette bonhomie et cette joie de vivre qu'il avait. C'est une œuvre gaie et irrévérencieuse. Egalement le répertoire de Francis Lemarque, « A Paris » bien sûr. Côté films, j'ai beaucoup aimé « 2 Days in Paris », de Julie Delpy, c'est réaliste et drôle à la fois, avec en fond la vie parisienne de copains qui se retrouvent. J'ai trouvé cet univers très sympa. Quelles sont vos sorties culturelles préférées ? Vivant dans le quartier de l'Odéon, je suis bien placée pour aller au cinéma. Avant l'été, j'ai vu « La conquête », Bruno Podalydès y fait un splendide numéro d'acteur ! En ce moment j'ai très envie d'aller voir « Tu seras mon fils » et « La guerre est déclarée », sortis il y quelques semaines. Je vais aussi applaudir des amis au théâtre ; j'ai beaucoup aimé « Le prénom », avec Patrick Bruel à l'Edouard VII, je l'ai trouvé formidable et je regrette un peu que la pièce n'ait pas reçu de prix, c'est dommage. Je privilégie quand même les sorties style « dîner entre copains » plutôt que les cocktails mondains ; et je traîne souvent dans les petites galeries d'art de la rue Mazarine. Toutes les adresses sont page 190. M o n lieu g o u r m a n d Gérard Mulot C'est une institution à laquelle je suis fidèle, c'est eux qui ont confectionné les gâteaux pour les grandes occasions de mon fils. M a boutique Fragonard On y trouve des objets de bon goût et de jolies choses qui font de merveilleux petits cadeaux. Quand je veux offrir quelque chose à une amie, car c'est plutôt féminin, c'est là que je vais. Rencontreavec Arno Gaillard M o n restaurant Le Marco Polo Il y règne une belle atmosphère, et que ce soit Renato ou Albano, l'accueil est toujours agréable. D'autre part, un grand store, permet de dîner dehors pratiquement toute l'année. M o n lieu culturel Musée d'Orsay Ce que j'aime avec ce musée c'est le mélange de tradition à l'extérieur et de modernisme à l'intérieur. Sans oublier ses expositions qui sont très souvent sublimes. Ce qui séduit le plus dans ce spectacle est indéniablement la prestation des comédiens. Michel Aumont, Didier Sandre, Chris- tiane Cohendy maîtrisent à la perfec- tion l'art de l'interprétation théâtrale. Mis en scène par Georges Werler, ils font entendre le texte du dramaturge américain Ronald Harwood, traduit par Dominique Hollier. Certains se rappelleront sa pièce, « A torts et à raisons », mise en scène par Marcel Bluwal avec Michel Bouquet et Claude Brasseur et qui évoquait le procès en dénazification du grand chef d'orchestre Wilhelm Furtwân- gler. Gardant la même idée d'une confrontation entre deux hommes que tout oppose, le dramaturge met, dans « Collaboration », face à face l'immense compositeur allemand Richard Strauss et Stefan Zweig. Les deux artistes associent leur talent pour créer l'opéra bouffe « La femme silencieuse ». Mais l'arrivée des nazis bouleversera cette collaboration. Har- wood explore la thématique de la relation entre l'art et la politique, se demandant si ces deux domaines peuvent prétendre s'ignorer l'un l'au- tre et comment doit réagir un artiste. Richard Strauss fait des arrange- ments, Stefan Zweig finit par se sui- cider. Il faut entendre Michel Aumont rugir comme un lion en cage, don- nant à Richard Strauss toute la fra- gilité d'un vieil homme entêté, voué à son art et dépassé par la réalité. Didier Sandre prête sa sensibilité aux tourments de l'âme de Zweig. Avec subtilité, il symbolise cet humaniste qui prend conscience de l'horreur d'un ordre qui se dit nouveau. Chris- tiane Cohendy incarne la femme du compositeur. Pauline Strauss est presque la véritable héroïne de cette pièce. Avec son caractère fort, son humour et sa tendresse, elle est prête à se battre. Dans la dernière scène, la comédienne fait passer tant de sentiments, par un geste, une mimique, qu'elle nous bouleverse. Il ne faudrait pas oublier Stéphanie Pasquet, belle révélation dans le rôle de Lotte, et Eric Verdin, en fonction- naire nazi. • M-C.N. Les Variétés Renseignements page 33. Alors, il est comment le Johnny ? Voilà la question que l'on me pose depuis la rentrée. Voici ma réponse : il est pas mal. L'artiste est un homme de scène et il y est à l'aise. Du côté de l'interprétation, la star est encore un peu étriquée dans son rôle. Mais, dix jours après la première, on sent que cela se met en place et que chaque représenta- tion apportera une libération. Et puis la pièce de Tennessee Williams n'est pas facile. Tout en explorant la complexité des êtres et de la vie, le grand dramaturge américain a fait de ses propres tourments le centre de son œuvre. Il y a certainement quelque chose de Tennessee dans le personnage de Loth, homosexuel, alcoolique, tuberculeux aux nerfs malades, qu'incarne Julien Cottereau. On dirait le fantôme de Norman Bâtes de « Psychose ». La scénographie du spectacle - décors de Nicolas Sire, lumières tamisées de Laurent Castaingt, costumes d'Emma- nuelle Youchnovskl,-musique de Benjamin Murât - fait songer à l'esthétisme de la fin de l'âge d'or hollywoodien. Bernard Murât signe une mise en scène classique mais très efficace pour nous raconter l'histoire de ce « Paradis » qui n'est qu'un enfer. Celui du Sud des Etats-Unis dans les années 60, fait de racisme, de frustration, de stupidité et de colère... Johnny Hallyday incarne Chicken (Poulet), un métis mis au ban de la famille et de la société par sa bâtardise et sa couleur de peau. C'est un dur, un talseux, mais il sait ce qu'il veut : la maison. Alors quand son demi-frère Loth voudra la lui reprendre, il va résister et gagner la guerre fratricide. Perdue dans ce combat, Myrtle se retrouve comme une « chatte sur un toit brûlant ». Il est beau ce personnage de fille paumée à la Marilyn Monroe pour qui la vie n'est qu'une suite de mésaventures. Une fragilité à fleur de peau, Audrey Dana est extraordinaire. C'est elle la star de la pièce. • Marie-Céline Nivière Théâtre Edouard VII Renseignements page 26. par le souvenir des siens laissés au Liban. De retour au pays, follement épris de Clara, il fait l'apprentissage de la douleur atroce d'une séparation liée à la guerre. Triplement broyé par l'Histoire, dépossédé de son avenir, de sa dignité, privé des joies les plus simples, que lui reste-t-il ? Rien. La déchirure Irréparable finira par avoir raison de sa force mentale et le conduira en hôpital psychiatrique pendant plus de trente ans... Ils sont sept comédiens sur scène à endosser une multitude de rôles. Leur volonté, leur enthousiasme et leur talent à tous font plaisir à voir. Ne manquez pas ce spectacle dans lequel on retrouve toute la sagesse orientale dont Amin Maalouf est porteur. • D.D. Théâtre 13 / Jardin Renseignements page 45. En choisissant d'ouvrir sa saison avec pareil spectacle, le Théâtre 13 frappe fort. Cette adaptation du roman « Les échelles du Levant » de l'académicien Amin Maalouf est une indéniable réussite mettant en avant un formidable travail de troupe. En premier lieu, il faut saluer l'impeccable réalisation de Grégoire Cuvier. Il n'est jamais aisé de rendre sur scène l'intensité d'un roman. La tâche se complique encore un peu plus quand ledit roman conjugue une saga familiale à la fresque historique et qu'entre le point de départ et celui d'arrivée, cent ans se seront écoulés et que les atrocités du génocide arménien, de la Seconde Guerre mondiale et du conflit israélo-palestinien auront été relatées... Pour condenser au mieux l'œuvre originale, le recours aux ellipses est Indispensable. Elles sont ici élégantes, limpides et ne suscitent aucun manque chez celui qui aurait lu le roman... L'Intrigue, ainsi resserrée en un peu plus d'une heure trente, ne laisse paraître aucun flottement. Tout semble avoir été millimétré. Du travail d'orfèvre que souligne une mise en scène fourmillant de trouvailles ingénieuses, hostile à toute forme de tape-à-l'œil. Grégoire Cuvier contourne les impératifs économiques et, pour en faire définitivement fi, parvient même à tirer une certaine poésie de ce manque de moyens. Dire que l'on sort touchés de la représentation est bien peu. Dans son parcours contre la haine et le racisme, Ossyane, dont le prénom signifie « insoumission », est bouleversant. S'il affirme son courage dans la résistance française, l'homme reste rongé [comédie dramatique] ossx théâtreAntoine de Saint-Exupéry, Gaston Gallimard, André Malraux, Jean Cocteau : ils sont nombreux à être tombés sous le charme de l'auteure de « Madame de ». Paradoxalement, Louise de Vilmorin reste méconnue aux yeux du grand public. On peut donc saluer l'idéede Coralie Seyrig et d'Annick Le Goff d'emmener le spectateur à sa rencontre. A la base de cevoyage, on trouve les entretiens radiophoniquesd'André Parinaud et de la romancière, enregistrés en 1957. Les deux auteures ont su en tirer un monologue fluide et passionnant. Cette fois, c'est le spectateur qui est invité à prendre place dans le très prisé salon bleu de Verrières où l'héritière des célèbresgrainetiers recevait avec délectation le Tout-Paris. Le récit s'engage. Il y sera bien sûr question de littérature, mais aussi plus généralement de la vie... Louise de Vilmorin excelle dans l'art de la conversation et revendique une promptitude à l'ennui, de l'esprit, une imagination sans limites et une passion pour la légèreté. Elle conjugue son sens de l'à-propos à celui de la formule. On sourit quand elle lance : « Une personne est Intéressante parce queje l'Intéresse. » Mais derrière ce penchant un peu trop marqué par le sens de la représentation et du paraître, se cache l'âme profonde d'une femme émouvante. La discussion prend une autre tournure quand elle aborde l'enfance notamment, évoquant ses parents ^ ^ et sa poupée Lili. Il y a aussi des a^U moments de belle nostalgie quand elle se glisse derrière le piano ou nous récite les vers d e ^ ^ ses poèmes. La frivolité alors la ^ ^ ^ H p J Ê mélancolie transparaît. Brillamment interprétée ^ ^ B B E l i ^ ^ par Coralie Seyrig, la dame de Verrières charme et captive son auditoire. La comédienne joue de très élégante manière du snobisme de son personnage. Elle dose les silences, laisse traîner certaines voyelles pour mieux accélérer le récit ailleurs. Du coup, pas de longueur ni de temps mort dans la partition Impeccablement réglée de Coralie Seyrig qui a su éviter l'écueil de l'imitation. La sobre et efficace mise en scène de Christine Dejoux et les lumières soignées de Franck Thévenon finissent de nous séduire. On vous recommande chaudement ce spectacle conjuguant esprit et raffinement pour un plaisir total... • Dimitri Denorme Théâtre du Petit Montparnasse Renseignements page 30.
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