ROCK FOLK n°527 - Page 9 - JUILLET 2011 R&F 003 Désserrer l’étau ThierryGuitard Ce mois-ci, j’ai rencontré Nicolas Bedos dans une boîte échangiste et nous avons donc dûment échangé sur les difficultés de notre métier d’éditorialiste. Nous vivons dans un monde paranoïaque, un monde où les juges et les avocats sont les seuls à rigoler (avec les flics). Vous avez remarqué ? Dire que Radovan Karadzic était le boucher des Balkans a valu à la presse un gros remontage de bretelles du syndicat national des chevillards refusant d’être associé à pareil individu et menaçant des foudres du droit tout journaliste qui l’oublierait et emploierait l’expression. Ecrire que l’homme politique Tartempion s’est comporté en “gros cochon” nous vaudra illico une réprimande du syndicat des Eleveurs de Porcs. Affirmer “on s’est fait un rail avec une paille” (pour rédiger cet édito par exemple) nous vaudrait la visite de l’avocat de la SNCF et de celui du syndicat des Agriculteurs en plus de la visite des Stups ! Donc — exceptionnellement — pas de blague en intro, d’accord ? Pourtant le vent de l’histoire nous souffle dans les voiles et nous avons plein de raisons objectives de nous réjouir de la situation. “The Wall” à Bercy fut un spectacle grandiose, une réussite à couper le souffle. Mais ce n’est pas tout : - Bientôt la putain de présidentielle. Peut-être l’occasion, enfin, d’avoir un vrai débat sur la légalisation ? - Le Hellfest affichait complet un mois avant l’événement, 80 000 personnes avaient retenu leurs places pour vivre la Clisson metal Experience. Qui dit mieux ? - La réédition des albums de Nick Cave se poursuit. Nicholas Edward Cave était un jeune implacable. Non content de fumer sur scène, il a torturé une génération de rock-critics et de photographes. Trente ans après les débuts de The Birthday Party, on considère les rééditions de Cave nouvellement sorties et on se dit : Fuck, voilà une œuvre... Isabelle Chelley et Nicolas Ungemuth disent ce qu’il faut penser du dernier chanteur éthique. PHILIPPE MANŒUVRE Rock&Folk Espace Clichy - Immeuble Agena 12 rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 99 – Fax : 01 41 40 35 15 – e-mail : rock&folk@editions-lariviere.fr Président-Directeur Général Patrick Casasnovas Directeur Général Adjoint Frédéric de Watrigant Editeur Philippe Budillon Rédacteur en Chef Philippe Manœuvre (32 99) Chef des Infos Yasmine Aoudi (32 94) Rédacteur Basile Farkas (01 47 56 54 35) Secrétaire de Rédaction Vincent Palmer (32 96) DirecteurArtistiqueVincentTannières(3295) SecrétariatMatthieuVatin(3299) ConseillerdelaRédaction JérômeSoligny PUBLICITE: DirecteurdePublicitéThierrySolal(3300) Assistante Lætitia Lallemand (33 00) PETITESANNONCES:AnnoncesClassées Lætitia Lallemand(3300)-laetitia.lallemand@editions-lariviere.fr PHOTOGRAVUREResponsable:BéatriceLadurelle(3157)Scannéristes:DanielLesven,NathalieMoralesVENTES(Réservéauxdiffuseursetdépositaire):LæticiaAlzieu (56 95) PROMOTIONABONNEMENTS:CaroleRidereau(3348) ABONNEMENT:France1an-12numéros:54,25€–UEetSuisse1an-12numéros:72€– Autrespayset envoiparavion:nouscontacterau(33)0147565400 ou sur : abo@editions-lariviere.fr VENTE PAR CORRESPONDANCE : Accueil clients 01 47 56 54 00 Commande par Carte Bancaire ou sur www.rocknfolk.fr COMPTABILITE (32 37) Fax : 01 41 40 32 58 Directeur de la Publication et Responsable de la Redaction : Patrick Casasnovas IMPRESSION : Imprimerie de Compiègne Zac de Mercières 60205 Compiègne Cedex. DIFFUSION : MLP – Rock&Folkestunepublication desEditionsLarivière,SASaucapitalde3200000euros.Dépôtlégal:3etrimestre2011.PrintedinFrance/ ImpriméenFrance.Commissionparitairen°0515K86723 ISSNn°0750-7852NumérodeTVAIntracommunautaire:FR96572 071884 CCP115915AParis RCSNanterreB572071884–Administration:12,rueMozart92587ClichyCedex–Tél0141403232 Fax:0141403250. LES MANUSCRITS ET DOCUMENTS NON INSERES NE SONT PAS RENDUS. SOMMAIRE 527Parution le 20 de chaque mois MES DISQUES A MOI Isabelle Chelley & Philippe Manœuvre MICHKA ASSAYAS 16 NECROLOGIE Olivier Cachin GIL SCOTT-HERON 20 PROSPECT Christian Casoni LYSE 22 TETE D’AFFICHE BEATLES 24 Philippe Manœuvre BERTRAND BURGALAT 26 Julien H. BON IVER 28 Briag Maruani IMELDA MAY 30 Philippe Manœuvre YAROL POUPAUD 32 EN VEDETTE Emilie Mazoyer CHLOE MONS 34 Basile Farkas BLACK LIPS 38 Jean-Vic Chapus JACNO 42 Jean Rouzaud ALAN VEGA 46 Jérôme Reijasse WU LYF 50 Cyril Deluermoz & Eric Delsart QOTSA 54 Eric Delsart LONDON RECORD SHOP 60 STORY Jonathan Witt HUMBLE PIE 66 EN COUVERTURE Isabelle Chelley NICK CAVE 72 LA VIE EN ROCK Patrick Eudeline JIM MORRISON 80 RUBRIQUESEDITO 03 COURRIER 06 TELEGRAMMES 10 DISQUE DU MOIS 87 DISQUES 88 REEDITIONS 102 HIGHWAY 666 REVISITED 106 VINYLES 108 LA DISCOTHEQUE IDEALE 111 QUALITE FRANCE 112 BLUES 114 ERUDIT ROCK 116 FILM DU MOIS 118 CINEMA 120 DVD CINEMA 122 DVD MUSIQUE 124 CULTESDESOBJETS 126 VIDEOGAMES 128 BANDE DESSINEE 130 LIVRES 132 LIVE 134AGENDA 136 PETITES ANNONCES 142 CHARTS 145 DOCTOR Z 146 Depuis le N° 425 de janvier 2003, Rock&Folk insère un MONSTER-CD, compilation de titres sélectionnés par la rédaction, et ce chaque trimestre, soit dans les numéros à paraître les 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre www.rocknfolk.com QUEENS OF THE STONE AGE BLACK LIPS NICK CAVEPHOTO COUVERTURE : POLLY BORLAND/ GETTY IMAGES Graphisme couverture : FRANK LORIOU Ce numéro comprend un CD Sampler déposé sur la totalité des abonnés. Ainsi que les programmes et les encarts suivants routés sur la totalité des abonnés “Musilac”, “Francofolies”, “Eurockéennes”, “Beauregard”, et “Dour”. 38 54 72 006 R&F JUILLET 2011 Ecrivez à Rock&Folk, 12 rue Mozart 92587 Clichy cedex ou par courriel à rock&folk@editions-lariviere.fr Chaque publié reçoit un CD... Illustrations Thierry Guitard Fleuve “Triste et glaciale est l’immortalité qu’octroient les dictionnaires et encyclopédies ; intime et chaude, en revanche, l’immortalité de ceux qui ont choisi de continuer à vivre le rock au jour le jour” (Philippe Manœuvre, 2001, livret du live des Dogs). Qui ne serait d’accord avec ces propos lyriques ? Aussi, à l’heure où les frères Ramones, Dominique Laboubée, Lux Interior ou Ron Asheton ont déjà rejoint la Grande Faucheuse, on aimerait voir les dernières légendes vivantes à la une de Rock&Folk avant qu’ils n’arrivent en rubrique Condoléances. Je pense ici aux Fleshtones, seul groupe de la classe CBGB 1976 à ne s’être jamais séparé. Leur dernier album supervisé par Lenny Kaye vient de sortir, précédé par un livre (“Sweat - The Story Of America’s Garage Band”) et un documentaire (“Pardon Us For Living But The Graveyard Is Full”). Peter Buck n’a-t-il pas déclaré qu’ils étaient depuis trente ans “le meilleur groupe live que la terre ait porté” ? Or la presse française, qui nous révéla les Fleshtones (remember François Gorin), me semble plutôt discrète à leur égard. Ces jeunes gens doivent avoir bien des choses à raconter. Vite ! Nous voulons une interview fleuve, un MDAM, une discographie commentée... avant qu’il ne soit trop tard. LAURENT DAUPHIN - 72000 LE MANS Okapi Salut journal, moi, mon boulot, c’est téléacteur. Comme je suis trop nul pour la vente, on m’a collé au call center. Ma mission, c’est de recevoir les appels qui tombent inévitablement après un spot de pub, et d’essayer de fourguer une assurance vie ou un abonnement à Okapi. Sauf que des fois, il y a des gens qui appellent juste pour parler, vous raconter leurs petites misères, leur cancer du sida, tout ça. Faut raccrocher au plus vite, gentiment mais fermement... Je me suis fait réprimander plusieurs fois de ne pas être assez ferme... Et puis un matin, un gars voulait juste parler de rock’n’roll. Alors, forcément, on a causé un brin, surtout qu’on était d’accord sur rien. C’est là que je me suis fait virer. De toute façon, c’était mal payé, comme job. CH - 94500 CHAMPIGNY Respect ! Merci à Philippe Manœuvre pour cet édito réaliste sur l’industrie du spectacle et merci à vous de défendre les découvertes indépendantes à travers votre rubrique Qualité France signée HM. Notre groupe 16Kat a déjà été chroniqué deux fois et cela nous fait vraiment plaisir qu’un magazine aussi prestigieux que le vôtre s’intéresse à nos créations. N’en déplaise à certains, vous êtes obligés de le faire... Respect ! JEAN-MARC (courriel) L’affaire Buddy Guy A la suite d’une soirée arrosée au mescal, je découvrais, dans les limbes enfumées de l’appartement d’un ami, le fameux sweet tea de Buddy Guy. La claque fut monumentale ! Ranimant nos âmes de petits pêcheurs à la guitare sauvage du vieux Buddy, voix fantomatique et habitée, je compris ce qu’était le blues. Alors que ce disque paraissait introuvable, la malédiction s’achève aujourd’hui : après maintes recherches, voilà le skeud entre mes mains ! Chers amis, je gueule au monde entier mon amour pour ce chef-d’œuvre. Buddy Guy saves us ! Bien à vous. RENAUD (courriel) Bien bonne Etre rock en 2011, c’est fumer son joint aux chiottes en écoutant “Smoke On The Water”. EDWIN MARZANO (courriel) Débridé Si maintenant, même les hommes politiques se mettent à faire les rock stars dans les hôtels... SAM MOURIER - 11100 NARBONNE Keufs Etre rock en 2011, c’est se faire arrêter par les flics en écoutant Janis Joplin et demander à l’agent de se taire pendant le refrain. CLEMENT MERCIER (courriel) de Sergio face au délire de Mlle Casey, soigneusement retranscrit par Julien H, merci à lui, mais je trouve cela relativement insultant et irrespectueux envers Serge Teyssot-Gay et surtout envers le public de Noir Désir... C’est un peu trop facile de penser qu’il ne doit rien à personne. Au minimum il nous doit des explications claires et, tant qu’il ne les aura pas données, nous attendrons effectivement, nous lecteurs, des journalistes qu’ils lui posent la question. Actuellement, je parcours systématiquement les entretiens de Zone Libre jusqu’à trouver the question, ça continuera tant que je n’aurai pas obtenu de réponse satisfaisante et cela au détriment de l’aspect musical et artistique du groupe puisque cette absence d’honnêteté et cette manière décevante d’éluder le sujet m’écœurent à tel point la plupart du temps que je ne fais même pas l’effort de lire la suite. Je suis attristée d’avoir eu à écrire ça mais je suis surtout extrêmement déçue... J’appréciais beaucoup Sergio, son talent, sa manière de jouer. Déçue par l’individu. A moins que... Parle, Sergio, qu’on en finisse ! VB (courriel) Lettre du mois A l’adresse de Casey qui collabore au dernier album de Zone Libre... Si Monsieur Noir Désir (Serge Teyssot- Gay pour ceux qui auraient manqué le train...) ne s’était pas fait connaître en faisant partie de l’aventure Noir Désir, il n’aurait pas aujourd’hui les moyens financiers de monter Intervalle Triton, son propre label de musique. Il n’aurait pas non plus la notoriété nécessaire pour monter un nouveau groupe viable. Pire, avant la tragédie de Vilnius, la plupart des gens ne connaissaient pas le nom de Bertrand Cantat, alors imaginez celui de Serge Teyssot-Gay... Mlle Casey, je cite, “se cogne de Noir Désir”, Sergio la laisse dire ça sans réagir... Cette attitude me déçoit autant qu’elle m’ulcère. J’ai téléchargé l’album de Zone Libre “Les Contes Du Chaos”, je n’ai pas aimé (je suis fan de leur boulot habituel, notamment avec La Rumeur... ) mais je l’ai acheté quand même par solidarité. Si STG s’était mieux expliqué quand il a coulé le groupe (par voie de presse... il sait donc s’en servir quand il en a besoin... Très élégant pour les copains !), personne ne lui poserait plus de questions à ce sujet. Il y a un moment où il faut prendre ses responsabilités et cesser de se foutre du monde, la possibilité qu’il a de continuer à avancer, il la doit aux gens qui ont rempli son portefeuille... Il a donc envers eux quelques obligations... Sans doute n’avons-nous pas connaissance de tous les éléments permettant d’expliquer le silence 16 ELYSIAN FIELDS “Old Old Wood” Pour se détendre, une lancinante et ravissante ballade par des experts en la matière. “Vieux Vieux Bois” est comme on peut s’y attendre pastorale et acoustique. Et comme toujours le timbre d’hôtesse de l’air de Jennifer Charles est un ravissement. Extrait de l’album “Last Night On Earth” 17 THE BUTTSHAKERS “Keep Your Eyes On Me” En club un vendredi soir, ces Lyonnais aux goûts sixties sont potentiellement dévastateurs. Sur disque l’extrait garage soul suivant passe parfaitement entre un BellRays et un Detroit Cobras, en particulier grâce à leur chanteuse afro-américaine qui déborde de présence. Extrait de l’album “Headaches & Heartaches” 18 FABIENNE DELSOL “I Feel So Blue” Au club des créatures adeptes des voyages dans le temps, la Française Fabienne égale sans problème les mirifiques April March et Holly Golightly. Deux minutes trente de bonheur freakbeat psychédélique. Extrait de l’album “On My Mind” 19 THE CAVE SINGERS “Swim Club” Rural et bidouilleur, le groupe de Seattle cajole les écouteurs en mélangeant synthé, crécelle et finger-picking sudiste. Guère académique et donc réjouissant. Extrait de l’album “No Witch” 20 THE KILLS “Baby Says” Insensibles à la pression, les Kills ont tenu la barre sur leur quatrième album sans montrer le moindre signe d’embourgeoisement. Mieux, certains extraits s’avéraient superbement fuselés. Tel ce redoutable et saturé extrait parfumé au “Gimmie Shelter”... Extrait de l’album “Blood Pressures” 21 MISSILS AIRLINES “Microphone Boy” Tandis que le riff pillonne les woofers, Flo, la chanteuse, invective les styles de musique existants (“big beat, musique concrète”, etc). Quid de ce quartette parisien, dans quelle catégorie boxe-t-il ? Rock français turbo compressé, assurément. Extrait de l’album “240” MONSTER CD35 01 THE GOLDBERG SISTERS “Third Person” A l’amorce de l’été, le duo hollywoodien offre une tranche de pure pop rêveuse. Beach Boys décadents, 10cc et Burt Bacharach s’entrechoquent ici dans le satin. Extrait de l’album “The Goldberg Sisters” 02 BOOKER T. JONES “Walking Papers” Entouré de jeunes admirateurs et produit par ?uestlove des Roots, la terreur de Memphis retrouve son allant dans cet instrumental générique truculent. L’orgue Hammond dialogue avec la guitare cropperienne sur une rythmique funky. Un cocktail ? Extrait de l’album “The Road From Memphis” 03 THE LOVE ME NOTS “The End Of The Line” Nicole Laurenne capte ici l’attention sur cet imposant extrait. Le Farfisa garage et le riff poids lourd occupent tout l’espace ? La furie de Phoenix tire son épingle du jeu. Ce qu’on appelle la présence (et un mixage réussi). Extrait de l’album “The Demon And The Devotee” 04 JOHN VANDERSLICE “Sea Salt” Sacrée prouesse, le Floridien parvient ici à charger la barque en arrangements luxuriants (cordes, cuivres, piano) tout en restant gracieux et léger. Une telle maîtrise est logique, ce disciple de Costello atteint tout de même ici le huitième album. Extrait de l’album “White Wilderness” 05 DENNIS COFFEY “Somebody’s Been Sleeping” Forcément pétaradante, la rencontre entre Lisa Kekaula des BellRays et le plus rock des guitaristes de Motown n’est pas sans évoquer les heures les plus funky d’Ike & Tina Turner sur cette reprise du classique Hot Wax des 100 Proof Aged In Soul. Autant le dire : tout cela en impose. Extrait de l’album “Dennis Coffey” 06 THE LUYAS “Tiny Head” A Montreal, les groupes pullulent comme les harengs au printemps. Membres d’Arcade Fire pour la plupart, les Luyas s’adonnent ici à la pop expérimentale avec une indéniable classe, convoquant au même moment les esprits de Robert Wyatt et Suicide. Les nostalgiques de Broadcast devraient y trouver le frisson. Extrait de l’album “Too Beautiful To Work” 07 THE BISHOPS “Oll Korrect” Sans jamais s’en cacher, les frères Bishop ont débuté dans un style totalement merseybeat. Après deux albums, ce nouvel EP voit les Londoniens évoluer vers un style plus ambitieux et sophistiqué mais tout aussi élégant. Extrait du EP “Sojourn” 08 MILES KANE “Rearrange” Agile dans tous les styles, le prodige de Liverpool déroule ici une pop song parfaite : couplet charmeur, refrain tétanisant et riff de guitare venu de l’espace. Extrait de l’album “Colour Of The Trap” 09 BOOTSY COLLINS “Minds Under Construction” Pour un guitariste, jouer au côté du bassiste de Funkadelic exige quelques aptitudes. Et Buckethead, fameux bretteur nu-metal a le curriculum requis : vélocité, sonorités acérées et chapeau rigolo (un seau de nuggets du KFC). Imparable. Extraitdel’album“ThaFunkCapitalOfTheWorld” 10 EUX AUTRES “Queen Turner” Inconditionnels de pop sixties française, Heather et Nicholas Larimer, fratrie de Portland, s’adonnent à la mélodie avec une innocence et un joyeux esprit lo-fi. Charmant, et bien écrit. Extrait de l’album “Broken Bow” 11 THE CARS “Hits Me” Séparé peu avant la chute du mur de Berlin et reformé cette année, le groupe de Ric Ocasek appâte avec des recettes inchangées. Refrains poisseux, synthé caoutchouc et efficacité maximale. Aguichant. Extrait de l’album “Move Like This” 12 BEADY EYE “Millionaire” Plus relax que le mastodonte Oasis, le deuxième groupe du benjamin des Gallagher revient aux joies : faire de la bonne musique entre amis. Bon signe, l’album de ces nouveaux Faces tourne encore sur les platines quatre mois après sa sortie. Extrait de l’album “Different Gear, Still Speeding” 13 DURAN DURAN “Safe(InTheHeatOfTheMoment)” Les eighties sont partout, mais autant goûter à l’original. Produit par Mark Ronson, le nouvel album de Simon LeBon & Co donne envie de foncer vers la boîte de nuit la plus proche, en jeans neige et Ferrari Testarossa. Sur cet extrait funky, Ana Matronic des Scissor Sisters assure quelques voix. Extrait de l’album “All You Need Is Now” 14 VIVIAN GIRLS “Dance (If You Wanna)” Quelque part entre les Ramones et un girl group débutant, Cassie, Katy et Ali signent à Brooklyn des chansons pimpantes et indie en diable. Extrait de l’album “Share The Joy” 15 JULIAN CASABLANCAS “Rave On” On a tendance à l’omettre, l’âme des Strokes est un chanteur rock phénoménal. En solo, le New-Yorkais électrocute un classique de Buddy Holly dans une version cinglante qui ravira les amateurs d’Alan Vega. Extrait de l’album “Rave On Buddy Holly” 010 R&F JUILLET 2011 CABARET VERT Au programme du festival qui aura lieu à Charleville-Mézières du 26 au 28 août : Iggy And The Stooges, Têtes Raides, Mademoiselle K, The Bellrays, The Wombats, NOFX... et Peter Doherty qui devrait sortir de prison quelques jours plus tôt. CANTAT Tout à fait incroyablement, l’ancien chanteur de Noir Désir a co écrit une chanson avec les Shaka Ponk, “Palabra Mi Amor” DALAI LAMA RAMA FA FA FA Les jeunes Parisiens se produiront le 2 juillet au Carrosse (Paris 20e) dans le cadre du festival Rouge/ Bleu (avec Les Guillotines, Two Bunnies In Love et Caandides). ELECTRELANE A nouveau réunies, les Anglaises donneront un concert exceptionnel à Paris (La Plage à Glaz’Art) le 22 juillet. FOIRE AUX VINS DE COLMAR Au programme du festival qui se déroulera en août : Ben Harper, Selah Sue, Olivia Ruiz, Cali, 50 Cent, Moby, Status Quo, Eddy Mitchell... sans oublier la Hard Rock Session du dimanche 7 août avec notamment Judas Priest et Sepultura. JUDO Fred Jimenez, Hervé Bouétard et Stéphane Salvi, musiciens d’AS Dragon et pour certains de Control Club, ont formé le trio Judo. LUCE La gagnante de la dernière saison de Nouvelle Star sort son premier album “Première Phalange” le 20 juin. MILES KANE Bonne surprise : le jeune rocker a été ajouté à l’affiche du festival des Vieilles Charrues. MUTE NIGHTS La première édition parisienne de Mute Nights aura lieu à la Flèche d’Or le 29 juin. NEIMO Le premier single du prochain album de Neïmo, “Beast”, s’intitule “Dancing Shadows” et est disponible sur toutes les plateformes digitales depuis début juin. NIKI DEMILLER L’ex-chanteur des Brats se produira avec notamment les Wampas, Mustang et The Hub au festival Rock Sur Marne le 1er juillet (Saint-Maur-des-Fossés). THE PARISIANS Le quatuor sort un nouvel EP intitulé “Difficult Times” sur le label Bonus Tracks. PLAYING FOR CHANGE Le troisième projet de Playing For Change sort le 20 juin. Le coffret CD/ DVD intitulé “Songs Around The World Part 2” comprend des titres originaux et des reprises de classiques parmi lesquels “Redemption Song” (Bob Marley), “Higher Ground” (Stevie Wonder) ou encore “Imagine” (John Lennon). En concert à la Cigale (Paris) le 30 juin. PONY TAYLOR Ces mods d’Avignon (ex-Strawberry Smell) se signalent à nouveau avec un chatoyant EP 4-titres, “Ponycolor Box” disponible en vinyle 25 cm chez Super Homard. SEX MACHINE Est annoncé pour novembre le DVD des meilleurs moments de l’émission culte des Enfants du Rock... SOLIDAYS A l’affiche du festival cette année (du 24 au 26 juin), Cold War Kids, Klaxons, Katerine, Yael Naim, Têtes Raides, Morcheeba, IAM... THOMAS MARFISI Le premier album du jeune chanteur (ex-Dharma Project) paraîtra en septembre, précédé par le single “Les Filles Comme Toi” qui vient de sortir. TOWERBROWN Admiratif de la manière dont les Anglais traitaient le rhythm’n’blues, ce combo grenoblois fait étalage de sa maîtrise du british beat sur son deuxième EP qui laisse la part belle sur “I Wanna Know (What You’re Gonna Do)” à la charmante Izzy Lindqwister de Rodeo Massacre. ZAK LAUGHED Le deuxième album du jeune clermontois, “Love Is In The Carpet”, vient de sortir chez Kütü Folk Records. TélégrammesPAR BUSTY FRANCE“C’est très prétentieux mais, peut-être que cet album est trop bien pour qu’il marche fort” M (A propos du dernier Johnny) CondoléancesL’activiste et chanteur soul/jazz GIL SCOTT-HERON, l’actrice et songwriter DOLORES FULLER, le producteur MARTIN RUSHENT, le comédien JAMES ARNESS (“Gunsmoke”, “The Thing”), HUME PATON (guitariste de The Poets), le comédien JEFF CONAWAY (“Grease”), le compositeur et musicien ANDREW GOLD, la chanteuse KATHY KIRBY, l’acteur MAURICE GARREL, le comédien australien BILL HUNTER (“Priscilla Folle Du Désert”), l’écrivain JORGE SEMPRUN Electrelane Niki Demiller Pony Taylor Zak Laughed Thomas Marfisi PhotosDR 100 R&F JUILLET 2011 Shaggy Dogs “Who Let The Shaggy Dogs Out ?!” FIRST OFFENCE/ MOSAIC Le quatrième sous-bock des Shaggy explose comme une bombe à fragmentation chargée de références et de confettis, dans un pub rock surpuissant, volumineux, fracassant de joie. Empaquetés dans leurs costards de fripes, libérés des compromissions alimentaires, les quatre Franciliens se rengorgent depuis des lustres avec une superbe très british, catégorie working class. Ils jouent une surboum menaçante au chant paroxystique et rancunier (celui des B-52’s, parfois des Dexys Midnight Runners), aux riffs et double-stops herculéens (Inmates, bien sûr), galvanisés par les pavillons du Hot Club Pom-Pom Gali (deux trombones, un saxo) et les claviers de Bala Pradal (le gars de chez Big Dez). La seule partie tendre de cette castagne est un petit sucre tropical dont le pub rock est friand depuis toujours, à doses homéopathiques mais suffisantes pour l’accrocher, au moins par le cœur, au rocksteady londonien des années 60. Chant-harmo, guitare, basse et batterie : Red, Jacker, Toma et Guillermo, gens d’extérieur, naufragés volontaires de la hype, pétroleurs chevronnés d’une immense fête clandestine. Ils sont allés dénicher Al Scott outre-Manche, autre spécialiste des ambiances réussies (chez Joe Strummer par exemple) qui donne un tapage mémorable à cette bamboche, saisie quasiment live. Niche commerciale indigente mais terrain de jeu universel, le pub rock déverrouille à peu près tous les festivals, sauf celui de Bayreuth. Les Shaggy ont choisi cette stratégie d’encerclement. Ils tiennent maintenant l’Hexagone depuis les cantons et se sont juré de conduire les cendres de Lee Brilleaux au Panthéon. ✪✪✪ CHRISTIAN CASONI Zaza Fournier “Regarde-Moi” WEA A l’heure où pas mal de cruches à bobos infestent un Top 50 dévasté par la crise du disque, où une nouvelle voix du rock apparaît chaque semaine, tandis que les sous-Barbara et les sous-Björk menacent de crêper le chignon de toutes celles qui chantent moins bien (?) qu’elles, Zaza Fournier confirme, en réajustant son tir, les espoirs placés en elle dès 2009, année de sortie de son premier album. Titi parisienne qui se rêvait en actrice de théâtre, Zaza doit finalement son destin à l’accordéon dont elle s’est entichée vers dix-neuf ans. L’instrument lui a permis de s’émanciper et davantage encore, lorsqu’elle a commencé à rehausser de chansons originales le répertoire de reprises qu’elle proposait dans les bars. Plutôt que d’enfoncer le même clou que “Zaza Fournier”, “Regarde-Moi” la dévoile en pleine prise de tangente et c’est tant mieux. Pas du genre à avoir froid aux yeux et encore moins aux oreilles, Zaza et ses complices (Jack et... Rob, le claviériste de Phoenix) ont lorgné cette fois vers le rock acidulé des années 50 et 60, truffant le nouvel album de twanging guitars (“Vodka Fraise”), de claviers vintage (“15 Ans”) et de plans de productions spectoriens (“Qu’Est-Ce Que Ça Te Fait ?”). Comme un piranha dans la grenadine, Zaza, qu’une impressionnante série de concerts donnés depuis deux ans a conforté dans son art, balance des textes puisés dans ses veines (et déveines ?) et fait parfois penser aux Françoise Hardy, Lio et Christophe d’antan. Seule ombrette à ce bel univers, certaines compositions auraient mérité d’être tournées plus longtemps dans la bouche avant d’atterrir sur la bande. Pas de quoi, toutefois, rompre le charme de ce “Regarde-Moi” qui doit être pris au pied de la lettre et confirme que la femme est bien l’avenir de la chanson française. ✪✪✪ JEROME SOLIGNY françaisDisques JUILLET 2011 R&F 101 The Holy Curse “Take It As It Comes” TURBOROCK/ MVS The Holy Curse se sépare. Après une dernière tournée (“Last Call For Drinks”) et “Take It As It Comes”, le groupe jettera l’éponge après dix-huit ans de rock en France et ailleurs. À prendre ou à laisser, la nouvelle est partie de Paris et a fait le tour de Detroit à Sydney, prouvant s’il en était encore besoin que tout le monde ne s’en fout pas. Inutile de prolonger les débats et encore moins les adieux, The Holy Curse choisit de ne pas en ajouter et joue la sortie élégante. De passage à Paris pour enregistrer aux Microbe Studios ce cinquième album (mais aussi le dernier Dimi Dero Inc), Rob Younger insuffle au groupe un son qui, loin de le faire sonner comme un ersatz de Radio Birdman, The New Christs ou Sonic’s Rendezvous Band, le pousse d’abord à tenter de sonner comme lui-même, ajoutant ici et là ce qu’il faut, à savoir perspective à l’ensemble. Pas grand-chose en fin de compte, mais l’essence de l’essentiel, soient les quatre ensemble ou un trio et une voix, avec cet accent évoquant Dominique des Dogs, pour six morceaux livrés sans esbroufe. Curieusement, ce sont sur les tempos les plus lents et lourds (“Johnny’s Day” ou l’entêtant “Man With The Heavy Hand”) avec pied de nez au groupe australien légendaire Died Pretty entre les deux, que les gars se laissent cette fois aller avec le plus de réussite. Solos punk acérés, rythmique bétonnée et chant enragé (“Bellbirds”), la formule a fait ses preuves et toujours autant de bien à entendre. La maturité sans doute, le bon moment pour mettre les bouts et arrêter les frais, il n’y a qu’à le prendre ainsi. ✪✪✪ VINCENT HANON Guillemots “Walk The River” WRASSE/ GEFFEN Au royaume de la pop britannique, ce quatuor s’est taillé en deux albums une belle réputation. Doué, innovant, il n’a eu aucun mal à convaincre les initiés. Ironie du sort, la consécration n’est venue que l’an dernier et c’est Fyfe Dangerfield, son leader, qui en a hérité avec son premier album solo. Un événement qui n’a pas remis en cause une seule seconde l’existence du groupe. Celui-ci s’est exilé en pleine campagne britannique pour enregistrer ce troisième album qui impressionne tout de suite. Il y a tout d’abord ce gros son et l’incontestable qualité des trois premières compositions (“Walk The River”, “Vermillion”, “I Don’t Feel Amazing Now”). Et puis, d’un coup la tension tombe. On a affaire à une série de titres très marqués eighties qui sont d’un intérêt tout relatif avec une mention particulière pour “Slow Train” où l’on a carrément l’impression d’entendre Tears For Fears. Le groupe semble s’être laissé aller pendant sa retraite campagnarde, ce qui se confirme un peu plus loin avec “Inside”, une sorte d’hésitation éthérée de plus de cinq minutes. Au milieu de cet océan de désillusion flottent tout de même quelques titres plus intéressants comme ce “I Must Be A Lover” au refrain juste imparable ou encore “Sometimes I Remember Wrong” et “Yesterday Is Dead”, deux compositions plus longues, construites sur de bonnes bases mélodiques, mais dont, de toute évidence, on n’a pas su tirer le meilleur et qui finissent par traîner en longueur. C’est d’ailleurs tout le problème de cet album qui, avec une sélection plus rigoureuse des titres et une réalisation plus imaginative, aurait pu certainement s’inscrire dans les réussites de l’année. ✪✪ ERIC DECAUX 102 R&F JUILLET 2011 The Hellboys “MUTANT LOVE” Heartbreak Hotel “SNAKE EYES Bonus Tracks Il y a trois ans maintenant que, comme le dit la pauvre formule, Nikola Acin nous a quittés (comme si, lorsqu’on crève, on quittait les gens, alors que chacun sait que ce sont toujours les gens qui vous ont quitté). C’était un garçon bien et, comme tous les individus dignes d’intérêt, compliqué. Ce qui plaisait instantanément chez lui était son enthousiasme éternellement juvénile. Lorsqu’il avait rejoint Rock&Folk dans les années 90, il était le plus jeune. Et alors que même les plus vieux ne juraient que par Daft Punk, Laurent Garnier et Rage Against The Machine dans l’espoir vague de rester, précisément, jeune, Acin, du haut de sa vingtaine, remettait les pendules à l’heure. Il avait bon goût, il faut dire : country, rockabilly, blues d’avant-guerre, folk, pop anglaise à tendance mod, punk anglais, new-yorkais et californien. Dans ces conditions, il était parfaitement logique qu’il vénère ce vieux Strummer qui lui- même cristallisait toutes ces influences. A vrai dire, la seule discorde possible, en présence de Nikola, était son adoration pour l’abominable groupe No Doubt et son affreuse chanteuse. Mais pour le reste, il était impeccable, et si ce journal a su effectuer un grand virage rock and roll au début des années 2000, c’est aussi en grande partie grâce à lui... Et puis, Nikola a voulu franchir le pas, passer de journaliste à musicien. Ses Hellboys étaient une concentration de clichés comme il les aimaient. Seul lui pouvait sans être ridicule adopter un patronyme en hommage à Strummer (“Go to hell, boy...”) mais qui sonnait en fait comme une horreur psychobilly de 1984. Seul lui pouvait chanter des âneries à propos “d’amour mutant”, du portail de Graceland ou de ce pauvre con de Charlie Sheen. Seul lui pouvait oser afficher l’attirail rock façon panoplie pour enfant de 7 ans : mauvaises creepers, chemises léopard, costume noir deux boutons. Mais les morceaux des Hellboys, curieusement, étaient très tubesques. Du punk un peu bourrin, plus rancidien que clashien, comme du Rancid copiant les Clash (“King Of The Mambo”). Pourtant, avec ces suites d’accords entendues mille fois, les Hellboys parvenaient à rendre instantanément chacun de leurs morceaux inoubliables... On peut préférer le projet Heartbreak Hotel, duo acoustique avec Yarol Poupaud, à tendance country et folk. Nikola Acin y met son cœur plus à nu et livre certains de ses tourments. Les compositions gagnent en finesse, les paroles également. En écoutant des morceaux comme “Snake Eyes”, “Hollywood Rose”, “Above My Head” ou “O Caroline”, on a presque l’impression de discuter avec lui, de voir son sourire un peu fatigué tandis qu’il se roule un clope contre un mur du Gibus en évoquant son dernier voyage aux Etats-Unis. C’est agréable. Reatards “TEENAGE HATE” Differ-Ant Encore un autre disparu bien trop tôt. Avant ses merveilles en solo, Jay Reatard s’était distingué avec son groupe punk de Memphis, les merveilleux Reatards. Ici sont réunis l’album “Teenage Hate”, et les cassettes enregistrées antérieurement, “The Reatards” et “Fuck Elvis Here’s The Reatard”. C’est, au talent de Jay Reatard ce que “Sorry Ma, Forgot To Take Out The Trash” des Replacements est à celui de Westerberg : un début provocateur, déconnant, parfois très lourd, enregistré dans des conditions au-delà du lo-fi, mais montrant ici et là tout le génie en devenir. Eprouvant, mais très révélateur. Ike & Tina Turner “THE MONO SINGLES ’68-’72” Hip-O Select (import Virgin Megastore) Nous y sommes : le moment où Spector a chancelé. On connaît l’histoire, et la chanson. Après le sommet vertigineux de “You’ve Lost That Lovin’ Feeling” enregistré par les Righteous Brothers, le maniaque décide d’aller plus loin et son amour pour la musique noire et les chanteuses de même couleur l’emmène vers la chatte Tina, encore tenue par son guépard Ike. “River Deep-Mountain High”, qui nécessite un travail de fou, sera un flop aux Etats-Unis et un tube monstrueux en Angleterre à sa sortie en 1966. Spector est effondré. Les Brits ont meilleur goût que ces putain de yankees. Lesquels, en fait, n’ont pas tout à fait tort, vision partagée par son biographe Mick Brown : le morceau, aussi fantastique soit-il, sonne comme l’assemblage de plusieurs idées maladroitement mises bout à bout, et la production est terriblement boueuse : en dehors de l’écho, plus personne n’entend grand-chose. En d’autres termes, on est bien loin de “You’ve Lost...” , “Be My Baby” ou “Walking In The Rain”. Reste un délire wagnérien tout en crescendo fou et violent, et la voix de Tina. A apprécier sur le reste de ce très grand album sur lequel Spector lui fait reprendre, en mieux, certains de ses anciens succès précédemment enregistrés sur des petits labels (“I Idolize You”, “A Fool In Love”, “It’s Gonna Work Out Fine”), et quelques trucs plus typiquement spectoriens comme “A Love Like Yours (Don’t Come Knocking Everyday)” dont la Tina donne une succulente lecture. Ce très grand album, sorti en 1969 dans l’indifférence générale, avait été régulièrement mal réédité sur différents labels CD. Avec Hip-O Select, inutile de dire qu’il s’agit de la version définitive. The Outsiders “CQ” RPM (import Virgin Megastore) Dans ces pages ont déjà été évoqués, à l’occasion de rares compilations, les méfaits des Outsiders, le plus grand groupe hollandais avec Q’65 (qu’ils surpassent régulièrement). Mais ça, jamais... Ça, c’est un album dont il se serait écoulé, à sa sortie, dans les 500 exemplaires, et qui est considéré chez beaucoup de malades comme la troisième merveille du monde. Sorti en 1968, l’album serait à ranger aux côtés des plus grandes choses des Who, des Pretty Things, voire, carrément, des Stones et des Beatles. Naturellement, comme toujours, personne ne s’en serait rendu compte à l’époque. Qu’en est-il, au juste ? En vérité, “CQ” ne vaut pas “Who Sell Out” mais n’est pas bien loin derrière “Their Satanic Majesties Request” ou “SF Sorrow” (pour “Sgt Pepper’s...” il faudra quand même repasser). A l’exception de quelques rares âneries typiquement psyché qui ne démériteraient pas chez Spinal Tap deuxième période (“Zsarrahh”, “CQ”, “The Bear”), c’est un très grand disque de rock and roll complexe, violent, brutal, mais jamais primitif (production épatante), sans doute trop marqué par le psychédélisme démodé au moment de sa sortie, en 1968, quand les Stones en étaient déjà à “Beggars Banquet” et les Beatles à leur double tout blanc... Mais quand les Outsiders modernisent le garage freakbeat qui les avait rendus célèbres quelques années avant, ils sonnent carrément comme des MC5 européens avant l’heure. Et c’est là que tout décolle, que tout prend son ampleur. Le temps de morceaux comme “Doctor”, “Misfit”, “The Man On The Dune” ou le furieux “Happyville” que ces Outsiders séduisent définitivement. Belles ballades jingle jangle entre Pretties gracieux et Donovan inspiré (“You’re Everything On Earth”, “Prisonsong”, qui démarre en douceur et s’achève en furie sortie de “Machine Gun Etiquette”), belle voix du chanteur batave, instruments parfaitement maîtrisés, tout est là pour le meilleur du Neder Beat. All aboard for fun time. Big OPAR NICOLAS UNGEMUTH Rééditions JUILLET 2011 R&F 103 Paul Simon “PAUL SIMON” “THERE GOES RHYMIN’ SIMON”, “STILL CRAZY AFTER ALL THESE YEARS” Sony Music Comme il y a des gens qui aiment Fleetwood Mac, d’autres les Eagles, d’autres encore Cat Stevens, certains vénèrent Paul Simon. Un bon gars, y a pas... Ce serait difficile de lui en vouloir. Avec son pote Art, il a même enregistré en duo quelques choses ravissantes dès que l’on passe outre “El Condor Pasa” et “Sound Of Silence”. C’était déjà assez sage, mais relativement original. En solo au début des années 70, si l’on songe seulement à ce qui se passait ailleurs au même moment (entre 1972 et 1975), c’est limite de la musique pour banquier. Il nous fait le coup du morceau reggae, refait le coup infect des flûtes de Pan façon Pérou (“Duncan”), et là, c’est la fois de trop. Ailleurs, rien à dire, tout est mignon, lisse, gentil, bien fait, un peu world, érudit, musical. Rien d’étonnant, Paul Simon était, tout simplement, le premier Sting. L’un de ces albums, pas désagréable au demeurant, s’intitule “Still Crazy After All These Years”. Sans blague ? On croit rêver. Au même moment, Lou Reed sortait “Metal Machine Music”, un album, au demeurant, vraiment désagréable. Mais bien plus précieux que cette triplette pour HEC seventies. Johnny Burnette “ROCK AND ROLL DREAMER” Jasmine (import Virgin Megastore) Jasmine Records ? Pochette fleurant la photocopie couleur ? Made in République tchèque ?! Méfiance, méfiance... Et pourtant, le son est parfait sur ce double CD réunissant les évangiles de Johnny Burnette : les quatre premiers albums mythiques (“Rock And Roll Trio”, “Tear It Up”, “Dreamin’ ”, “Johnny Burnette”) de cet ancien boxeur refusé chez Sun par Sam Phillips, travaillant également, comme Elvis à la compagnie Crown Electric où, selon la légende, il lui aurait foutu une danse d’anthologie. Les deux premiers albums sont, presque à eux seuls, les Tables de la loi rockabilly. Avec les guitaristes Paul Burlison (curieusement rebaptisé dans les notes de pochette Paul Burlinson) et Grady Martin, le genre pratiqué par Burnette et son trio ferait passer les disques Sun pour du Bing Crosby. “Honey Hush”, “The Train Kept A Rollin’ ” (plus tard défoncé par les Yardbirds), “Rock Billy Boogie”, “All By Myself”, “Lonesome Train (On A Lonesome Track)”, “Tear It Up” (dévié par les Cramps), “Rock Therapy” (par Robert Gordon), l’ensemble est un pur manifeste à l’intention des apprentis rock’n’rollers. Les deux albums suivants, moins violents et nettement plus pop, sont à recommander également. Roy Orbison “THE MONUMENT SINGLES COLLECTION (1960-1964)” Monument/ Sony Music Il existe des dizaines de compilations consacrées au Big O. Celle-ci est sans doute l’une des meilleures dans la mesure où elle assemble les tubes splendides sur un CD, les faces B sur un autre et, le temps d’un bref DVD, un concert sensationnel enregistré en 1965. Pour les classiques, on envie ceux qui ont la chance de découvrir des monuments comme “Running Scared”, “In Dreams”, “Falling”, “It’s Over”, “Blue Angel” et les autres. En ce qui concerne les faces B, il serait dommage d’ignorer des moments aussi splendides que “Here Comes That Song Again” ou “Today’s Teardrop”, “Love Hurts”, “Leah” ou “Candy Man”, parfaitement détournée dans le “Blue Velvet” de David Lynch. Pour le live de 25 minutes, c’est un moment d’émotion énorme. Ou comment, la voix la plus pure du rock and roll — avec Rick Nelson et Gene Vincent, mais Roy allait plus loin encore — s’est complètement démarqué des autres en affichant clairement son goût pour la chanson napolitaine, le boléro et l’opérette, capable de mettre dans sa voix l’émotion des amoureux défaits de toute la galaxie. Un miracle. The Hollies “THE COMPLETE HOLLIES - APRIL 1963 - OCTOBER 1968” EMI (import Virgin Megastore) C’est un fait, les Hollies ont toujours sonné comme les Beatles des débuts (influences Everly Brothers comprises), sans les compositions ni la sauvagerie, mais pour les chœurs et l’administration, il n’y a rien à dire. Six CD, c’est beaucoup pour cet authentique groupe de série B qui fait passer les Them pour des génies, mais il y a largement de quoi se réjouir sur cette épaisse compilation (au son divin). Des reprises, essentiellement : de “Zip A Dee Do Dah” à “Lawdy Miss Clawdy”, “A Taste Of Honey”, “Poison Ivy”, “Stay” (fabuleuse), dans un premier temps, puis, “She Said Yeah”, “Fortune Teller”, “You Must Believe Me” ou “I Can’t Let Go”, dont le succès fit oublier la version mille fois meilleure d’Evie Sands. Lorsqu’ils composaient, les Hollies ressemblaient aux Zombies, et préfiguraient ce qu’allaient développer les Byrds et Buffalo Springfield (“Look Through Any Window” et son introduction en arpèges douze-cordes). On comprend pourquoi Nash allait rejoindre deux de ceux-là, Stills et Young, ainsi que l’ex-Byrds Crosby, pour former le groupe le plus fameux de la scène californienne. Les fous d’harmonies vocales trouveront ce qui se pratiquait de mieux à l’époque avec les Beach Boys, rien de moins. 104 R&F JUILLET 2011 Rich Kids “GHOSTS OF PRINCES IN TOWERS” Cherry Red (import Virgin Megastore) Juste après avoir quitté les Pistols, le principal compositeur du groupe, Glen Matlock, avait monté ces Rich Kids (signés chez EMI — “Who ?”). Avec Steve New à la guitare, qui avait auditionné pour le micro chez les Pistols avant Rotten, Midge Ure (futur Ultravox) au chant et Rusty Egan à la batterie. Un seul album, enregistré dans des conditions difficiles, sorti en 1978 et produit, rien que ça, par Mick Ronson, ce “Ghosts Of Princes In Towers”. Il s’agit de power pop un peu new wave, loin du punk des Pistols, plus proche du troisième Gen X, en plus énervée. La patte mélodique de Matlock est au rendez- vous et les guitares (très Steve Jones), bien astiquées par Ronson, brillent de mille feux tandis que la voix de Ure, plus sympathique que chez Ultravox, parvient à faire décoller des compositions assez quelconques. Pas mal, mais loin d’être fabuleux. Nick Cave & The Bad Seeds “LET LOVE IN” “MURDER BALLADS” “NO MORE SHALL WE PART” Mute Suite des rééditions luxueuses du répertoire de Nick Cave. Après les débuts splendides (et inégalés) de “Your Funeral... My Trial” et “Tender Prey”, l’Australien avait conquis le public indé avec “The Good Son” et “Henry’s Dream”. Ce dernier album le voyant lentement mais sûrement se diriger vers une auto-parodie systématique : chaque album alternerait désormais entre ballades de crooner épuisé et furies tournant autour d’un riff de basse
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