ROCK FOLK n°598 - Page 2 - JUIN 2017 R&F 003 Avec la banane d’Andy Warhol et la braguette des Rolling Stones, nous tenons avec “Sgt. Pepper” l’une des plus mythiques pochettes de disque pop. La chose est connue. Devenue coussin, magnet, t-shirt, mugs, et encadrée chez plein de gens rock, aussi. C’est dire son importance ! Graphiquement cette pochette colorée et végétale, arty, érudite et vaguement ésotérique (quelle signification donner à la présence de tous ces personnages et qui sont-ils ? huit Beatles dont quatre en cire... des instruments d’une autre musique que le rock et ces supposés messages sur la mort de Paul McCartney...) marque le passage des Beatles dans l’âge adulte, de la maturité et de leur maîtrise artistique totale et globale. La période à moustaches et à rouflaquettes. La période hippie et celle du LSD aussi. Les pochettes des précédents “Rubber Soul” et “Revolver” permettaient encore une assimilation au groupe chéri. Il était possible de le copier, d’essayer de lui ressembler. D’avoir des coupes de cheveux à la Beatles, de tenter de trouver leur blouson de daim. De chanter faux les paroles en français de “Michelle”, également. De fantasmer sur la chemise de John Lennon au dos de “Revolver”, sur les lunettes de fumeur de Ringo Starr ou de voir George Harrison vaguement déguisé en cow-boy sur le collage de Klaus Voormann au recto. Cette période si gracieuse du groupe de Liverpool. Mais là, avec ce “Sgt. Pepper”, impossible d’en faire autant. Car enfin, même dans ces années de plein emploi au cœur des si fameuses Trente Glorieuses, dur de postuler à quoi que ce soit d’autre que tuba ou tambour dans la fanfare du village, attifé de la sorte. Le groupe ne tournant plus, il s’éloigne symboliquement des années 60 pour inventer les années 70, avant d’arrêter à peine celles-ci atteintes. Tentant au passage de devenir anonymes en pleine lumière. Comme des Daft Punk emplumés et habillés en laquais. Nous fêtons donc ces jours-ci, les 50 ans de ce qui n’est peut-être pas le meilleur album des Beatles (je vous propose d’en parler dans le Courrier, hein ?) mais à coup sûr, du plus connu. Paul McCartney n’avait pas 25 ans, George Harrison 24, Ringo Starr 26 et John Lennon pas encore 27... A propos d’âge, on nous conseille souvent, ici à Rock&Folk, de rajeunir ! Comme une solution à tout. Au vieillissement, surtout... En France, nous sommes habitués à des hommes et des femmes (parité !) politiques totalement hermétiques au rock (à part Jean-Paul Huchon, Patrick Roy et Robert Hue, allez !) et pourtant, la plupart en âge d’avoir vécu la sortie de la totalité des disques des Beatles. Certains auraient même connu la parution d’albums de jazz. Ce n’est pas le cas cette fois. Notre nouveau président de la République est jeune. Emmanuel Macron (ce prénom... Manu, quoi...), n’était pas né en 1967. Loin s’en faut. C’est un président né dix ans plus tard, en 1977, qui aura donc été adolescent en plein règne Guns N’Roses, Red Hot Chili Peppers et Nirvana ! mais qui, sur Europe 1, citait Johnny Hallyday, Léo Ferré et Charles Aznavour, en plus d’avoir fait 10 ans de piano au conservatoire d’Amiens et choisi Magic System au soir de sa victoire sur l’esplanade du Louvre... Au moins avons-nous été épargnés de la présence de Mireille Mathieu ou de celle de Yannick Noah. C’est pas gagné... Enfin pour lui, si. Je parlais ici seulement de notre musique. VINCENT TANNIERES Edito Mythe The Beatles Parution le 20 de chaque mois Mes Disques A Moi Patrice Guino PETER BLAKE 14 En ville Basile Farkas DISQUAIRE DAY 10 Thomas E Florin BORN BAD RECORDS 12 Tête d’affiche Thomas E Florin TIMBER TIMBRE 20 Eric Delsart KASABIAN 22 Basile Farkas POND 24 Thomas E Florin THE MOONLANDINGZ 26 En vedette Basile Farkas MAC DeMARCO 28 Eric Delsart BLACK LIPS 32 Jérôme Reijasse THE BLACK ANGELS 36 Jérôme Reijasse BERTRAND BURGALAT 40 Jérôme Soligny BLONDIE 44 Isabelle Chelley LES HERITIERES DE BLONDIE 46 Eric Delsart THE LEMON TWIGS 50 En couverture Jérôme Soligny PHIL MAY 54 “SGT. PEPPER’S LONELY HEARTS CLUB BAND” 58 La vie en rock Patrick Eudeline ONE-HIT WONDERS 1967 68 RUBRIQUESEDITO 003 COURRIER 006 TELEGRAMMES 008 DISQUEDUMOIS 073 DISQUES 074 REEDITIONS 082HIGHWAY666REVISITED 086VINYLES 088 DISCOIDEALE 091QUALITE FRANCE 092 BEANOBLUES 094ERUDIT ROCK 096FILM DU MOIS 098 CINEMA 099 LASERIE DU MOIS 101DVDMUSIQUE 102 CULTEDESOBJETS 104VIDEOGAMES 105BANDEDESSINEE 106 LIVRES 107 LIVE 108AGENDA 110ROCK’N’ROLL FLASHBACK 114 Sommaire 598 58“Sgt. Pepper”, 50 ans 40The Lemon Twigs www.rocknfolk.com COUVERTURE : UNIVERSAL (DR) GRAPHISME : FRANK LORIOU Rock&Folk Espace Clichy - Immeuble Agena 12 rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 99 – Fax : 01 41 40 34 71 – e-mail : rock&folk@editions-lariviere.fr Président du Conseil de Surveillance Patrick Casasnovas Présidente du Directoire Stéphanie Casasnovas Directeur Général Frédéric de Watrigant Editeur Philippe Budillon Rédacteur en Chef Vincent Tannières (32 99) Rédacteur en Chef adjoint Basile Farkas (32 93) Chef des Infos Yasmine Aoudi (32 94) Chef de la rubrique Live Matthieu Vatin (32 99) Conseiller de la Rédaction Jérôme Soligny PUBLICITE : Directeur de Publicité Captif : Thierry Solal (33 01) Directeur de Publicité Hors Captif : Olivier Thomas (34 82) Assistante de Publicité Sandra Pinget (32 16) PHOTOGRAVURE Responsable : Béatrice Ladurelle (31 57) Ont collaboré à ce numéro Christine Doual, Hugo Paillard VENTES (Réservé aux diffuseurs et dépositaires) : Agathe Chaillat (56 95) ABONNEMENTS : Directrice des Abonnements VPC : Catherine Veillard Promotion Abonnements : Carole Ridereau (33 48) Abonnement : France 1 an-12 numéros : 65,80 € Suisse et autres pays et envoi par avion : nous contacter au (33) 01 47 56 54 00 ou sur : abo@editions-lariviere.com VENTE PAR CORRESPONDANCE : Accueil clients 01 47 56 54 00 Commande par Carte Bancaire ou sur www.rocknfolk.fr COMPTABILITE (32 37) Fax : 01 41 40 32 58 Directeur de la Publication et Responsable de la Rédaction : Patrick Casasnovas IMPRESSION : Imprimerie de Compiègne Zac de Mercières 60205 Compiègne Cedex. 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Jérôme Soligny, Benoît Sabatier, Basile Farkas PhotoMichellaCuccagna Illustrations : Jampur Fraize Courrier des lecteurs Fallait oser ! 006 R&F JUIN 2017 Contre les pantacourts Cher NU, merci pour les chroniques “Songs/ Classics From The Cramps Collection” volume 1/ 3 ! Un régal ! Sur Volume 2, “Pow Wow” de Grace Tennessee, découvert en 76 sur “Danse Avec Moi” de qui vous savez. La classe ! Après 60 titres, ça se boucle sur “Paralized” de The Legendary Stardust Cowboy. Le bonheur ! Je passe de bonnes vacances... LUV PS : spécial remerciement pour votre CCP (Comité Contre les Pantacourts) et Chuck Prophet. Pénibilité Cher Rock&Folk, Mes Disques A Eux par Dombasle et Ker se voulait certainement drôle, décalé et érudit. Mais à bien y regarder, nous sommes en face d’un torrent de bêtises et de phrases définitives sur tel chanteur ou tel groupe. Ils nous jettent des tonnes de références qui ne masquent qu’une seule chose : leur inculture satisfaite. Comme le disait Cioran “N’a de conviction que celui qui n’a rien approfondi”. Certainement le plus pénible des Disques A Moi de l’histoire du magazine. STEPHANE N La bonne idée Il devrait y avoir de la publicité sur les albums (une chanson, une publicité). CDL L’ennui Cher Rock&Folk, je vous lis depuis de nombreuses décennies et la couverture de votre dernier numéro m’interroge quelque peu. Est-ce l’effet Philman qui n’est plus là ? Mais enfin, “les Kinks sont-ils le meilleur groupe de tous les temps ?”. Restons sérieux. C’est le genre de question genre tarte à la crème que je lis depuis bien longtemps et évidemment, pour moi, la réponse est non. Mille fois non. Il y a eu toujours une sorte de snobisme autour de ce groupe pour affirmer cette déclaration. Lisant de toute part cette affirmation, j’ai voulu bien sûr me faire ma propre idée : j’ai écouté et réécouté ce groupe maintes fois. Un seul mot pour caractériser ce qu’il nous faisait entendre : chiant. L’ennui, le désintérêt total. J’ai même poussé la folie jusqu’à aller les voir jadis à un concert (un bien grand mot) parisien. Je m’y suis tellement ennuyé que je suis parti avant la fin (et je n’étais pas le seul). Voilà mon résumé : les Kinks sont un groupe chiant et pas plus. Un bon point pour vous dans votre dernier numéro : l’album du mois pour les Black Angels. Voilà un excellent groupe dont je possède toute la discographie et qui ne m’a jamais déçu. J’achèterai leur dernier opus les yeux fermés et je suis sûr à l’avance de la satisfaction que je pourrai en retirer. JEAN-PIERRE GAMAIN Complètement malade Quoi ? Monsieur Manœuvre est à peine parti que c’est déjà le bordel en couv’ ? Nous mettre Serge Lama en pleine tronche (numéro 597), fallait oser ! AL PS : La galette du Ray Davies me ferait très plaisir. Bises à vous. Carnet de notes Bonjour, résidant en province, j’ai eu un moment d’appréhension en recevant mon Rock&Folk : Arielle Dombasle parmi les gros titres ? Virage bobo parisien de Rock&Folk ? même si elle se prétend Stones plutôt que Beatles, j’ai un peu de mal avec les gens qui se font mousser... Avec leurs rencontres, elle en infirmière et Mick, elle nous ferait presque croire qu’il a composé “Sister Morphine” pour elle et qu’elle fournissait Keith en dope. Quand à Nicolas Ker, s’il plane sur “The Wall”, il aurait mieux fait d’écouter le live d’“Ummagumma” ! Mauvais point donc pour Nos Disques A Nous. Demi-point pour Ray Davies, par contre. Bien content de le voir en couverture... Seulement un demi-point parce qu’il aurait fallu parler de son frangin, qui sort lui aussi un très bon album : Dave Davies & Russ Davies — “Open Road”. Allez, de très bons points pour le disque du mois (The Black Angels, “Death Song”), pour l’article sur Spoon (j’ai du mal à enlever le disque de la platine) et pour la rubrique Livres : j’ai commandé “Rolling Stones Tournée 1966”, reçu dans la foulée, un livre à posséder pour tous les fans des Stones ! Pour conclure : que va me réserver le prochain Rock&Folk ? A suivre. Bisous à toute l’équipe. HERVE JUDIC Hey oh Puisque ce haut fait d’armes de ce brave Joey Ramone semble avoir échappé à votre sagacité légendaire je me permets ici de signaler que celui-ci au tournant de 1988 emprunta les lunettes de John Lennon et la crinière de Yoko Ono. ERIC HEISERT Au-dessus Fan des Beatles, Rock&Folk, je vous le dis : oui, les Kinks étaient, sont, objectivement le plus grand groupe de tous les temps. Car si ses adversaires naturels avaient l’aura et la musicalité (Beatles), le blues et une propension à transgresser (Stones), une innocence échevelée ayant pour canal des voix d’anges (Beach Boys) la fureur doublée d’un attrait identitaire et générationnel fort (les Who), les Kinks, grands dieux... C’était le raffinement ultime, l’insularité pré-Brexitienne, la désuétude assumée, l’excentricité, l’ambivalence camp, l’existence du monde intérieur. Et la nostalgie d’une époque révolue (y compris pour le groupe). Autant de traits si typiquement anglais — et romantiques — qui expliquent sans doute pourquoi le quatuor n’a jamais réellement percé aux Etats-Unis (ou, disons, que s’il y est finalement parvenu, c’est en forçant pour le moins sa vraie nature...). Quand on plébiscite les Kinks en 2017 (ou que l’on envie le don de Ray à accorder une attention excessive à de menus détails qui aboutissent à cette grandeur), on pointe inévitablement du doigt un mal plus profond, inhérent à l’époque : en admettant que dans le rock désormais la chronique sociale a pour ainsi dire disparu et que le prolétariat s’est évaporé. Au profit d’une superficialité de gazette dédiée, pour l’essentiel, à la sape et aux tifs, dans la centrifugeuse mainstream. Cette absence d’opposition ou de challengers réels fait aussi de ce groupe le plus grand d’entre tous et de notre homme, Ray, un reporter inégalé... Ray Davies cumulait au sein des Kinks le double statut de parolier, de compositeur (enfin, quand ce n’était pas Dave lui-même qui s’y collait) : souvenons-nous de ça ! Il était Lennon et McCartney, Jagger et Richards, Wilson et Asher et l’équivalent d’un Pete Townshend mais alors côté jardin. Cet homme peut se targuer — dans l’absolu — d’avoir au rang de ses disciples Pete Towshend donc, David Bowie, les Doors, Madness, les Jam, XTC... excusez du peu. Mais aussi Damon Albarn, Noel Gallagher, Neil Hannon, Alex Turner... Si la liste est loin d’être complète, déjà, elle est stupéfiante, si l’on considère la qualité, en cumulé, représentée juste à travers ces noms-là. Au-dessus plane Ray Davies. ELEONORE Ode à Foxygen Je reviens de la médiathèque avec le “Hang” de Foxygen, certain, comment dire, d’y dénicher une révélation, d’y défricher une nouvelle terre musicale Et ça ne tarde pas : la première écoute est un éblouissement. Des cordes, des cuivres, de toute part, un décorum hallucinant de timbales, de harpes, de clarinettes, de flûtes et de hautbois. Une touche de music-hall, de Philly soul par-là, de musique baroque et symphonique, tout cela sous le halo bienveillant de Todd Rundgren. Ils l’ont fait ! Trente-deux minutes post-modernes scandaleusement audacieuses et parfaites. Et pour ne rien gâcher les frères d’Addario figurent dans les crédits. DESIRE DUROY La pock Y’a-t-il quelque chose entre le rock et la pop ? PM Le changement Etre rock en 2017, c’est aborder l’entame de son bilan de compétences avec le plus grand album sur la transition personnelle qui soit, le “Currents” de Tame Impala. BETTINA Vinyle aphrodisiaque Rock&Folk, si le vinyle fait aujourd’hui son grand retour, on est quand même en droit de se demander : où sont passés les corps en 2017 ? C’est assez subjectif, je sais. Mais il n’y a qu’à regarder les pochettes des années 70 (en particulier), qui sont objectivement une célébration perpétuelle et constante du corps ; leurs lots de bustes, de jambes, d’abattis (“Low Budget” des Kinks), de langues (“Feelin’ Bitchy” de Millie Jackson) de braguettes (“Sticky Fingers” des Stones), en veux-tu en voilà, pour se faire un état des lieux et voir combien le concept de libération sexuelle semble assigné définitivement au siècle passé (comme c’est le cas pour le rock aussi), enterré dans les limbes, comme le suggère paradoxalement le retour actuel du vinyle (et symboliquement la disparition de Prince aussi), à son insu ! A cet égard, dans le prolongement de la mosaïque humaine mise en scène sur la pochette intérieure du “Electric Ladyland” de Jimi Hendrix en 1968, visez les cover arts des Ohio Players, de Roberta Flack, de Funkadelic (“Free Your Mind...”), de Roxy Music, des Cars, qui à partir de la décennie suivante sont le parangon esthétique de cet âge d’or dédié au corps, et incidemment à ses corollaires sociaux et politiques, pour vous en convaincre... Et constatez, comme moi, que si le vinyle est de retour, on peut légitimement se demander en effet : où sont passés les corps ? Le corps est circonscrit, comme dans la société, à un petit espace, c’est pourquoi l’encanaillement aussi doit faire l’objet d’une requête spécifique chez nos contemporains : le rock (qui n’est après tout qu’une affaire de fluide, d’incarnation) ne peut donc pas s’y retrouver. En fait le retour en grâce de l’analogique... Il semblerait que le vinyle en 2017 porte encore en creux l’héritage un peu traumatisant du numérique, broyeur de chair sonore, du mix qui ratiboise les rondeurs, du digital ennemi du charnel. Juste sur ses pochettes. SYD DIDEROU Ecrivez à Rock&Folk, 12 rue Mozart, 92587 Clichy cedex ou par courriel à rock&folk@editions-lariviere.fr. Chaque publié reçoit un CD... Nicolas et Arielle On rencontre, de temps en temps, mais assez régulièrement, des gens qui disent ne pas aimer les Beatles. Ça donne un genre, une posture, quelque chose qui fait que vous vous imposez comme différent des autres, de la masse. En grattant un peu, on se rend vite compte que ces mêmes gens sont en général d’un vide intersidéral assez absolu et d’une culture rock pour le moins au ras des pâquerettes, enfilant les pires clichés sans même s’en rendre compte, sans parler de leur bête suffisance. On en rencontre, des comme ça, de temps en temps. Ce fut le cas le mois dernier. BEN KENNEDY Parfum kinksien Ray Davies, en couverture, je me suis arrêté net dans la rue devant un marchand de journaux... Le meilleur groupe de tous les temps ! Que seraient nos vies sans les Kinks ? “This Time Tomorrow”, “Shangri-La”, “Village Green”, “Waterloo Sunset”. Quand je suis arrivé à Londres, à St Pancrass, j’ai marché dans les rues, et j’ai tout de suite senti le parfum des Kinks aux détours de Regent’s Park ! “Every Day, I look at the world from my window”... Et Ray est toujours là. Et quelque part, ça me réconforte ! Bonne chance, Rock&Folk avec ou sans Philippe Manœuvre. See you. FRANCK PRIEUR Théorie J’ai lu la chronique de Agnès Léglise sur “A L’Assaut De L’empire Du Disque”. Seulement voilà, l’écroulement des ventes n’est-il pas dû tout simplement à la rareté de la qualité ? Lorsqu’un bon disque sort il se vend ! STEVE LIPIARSKI Ça craint Hello ! Douze pages consacrées à Chuck Berry ! Quatre journalistes différents et aucun d’entre eux n’a songé à citer Rory Gallagher, Georgia Satellites et George Thorogood parmi tous les rockers qui ont puisé, avec bonheur dans le répertoire du rocker américain... ! FRED PS : En songeant que Patrick Eudeline me dira que j’ai oublié Foghat... JUIN 2017 R&F 007 008 R&F JUIN 2017 AIRBOURNE Le groupe australien annonce l’arrivée de son nouveau guitariste Matt Harrison, avant de déferler sur la France le 17 juin au Hellfest, le 8 juillet à Beauregard, le 11 aux Déferlantes et le 13 à Musilac. ALICE COOPER L’Américain annonce un deuxième concert parisien le 7 décembre prochain à l’Olympia, celui du 3 décembre (Salle Pleyel) étant déjà complet. Il passera également par l’Amphithéâtre de Lyon le 1er décembre. CHARTS Les charts sont désormais disponibles sur le site de Rock&Folk : rocknfolk.com. THE DISTRICTS Le jeune quartette de Philadelphie annonce la parution de son troisième album “Popular Manipulations” pour le 11 août. DOWNLOAD FESTIVAL 52 groupes rock se succéderont sur les scènes de la Base Aérienne 217 (située entre le Plessis-Pâté et Brétigny-surOrge), du 9 au 11 juin. Au programme : Green Day, System Of A Down, Rancid, Suicidal Tendencies, Gojira, Dinosaur Jr, Slayer, Mastodon... GOJIRA Après une triomphale tournée mondiale, le groupe landais annonce deux nouvelles dates : le 18 juin au Splendid (Lille) et le 20 juin à l’Altabal (Biarritz). GUNS N’ROSES Axl Rose et ses pistoleros sont de retour en Europe pour 30 concerts. Le Not In This Lifetime Tour passera par le Stade de France le 7 juillet. IGGY POP L’Iguane vient de se fendre d’un simple “Asshole Blues”, morceau joué à la guitare sèche paru dans le cadre du Disquaire Day. Il est la première sortie du label Mag Mag des Jacuzzi Boys. JACK WHITE Le patron de Third Man, qui vient de faire construire sa propre usine de fabrication de vinyles, a trouvé le temps de sortir un nouveau 45 tours : “Battle Cry”. LANA DEL REY Interviewée par Courtney Love pour le magazine de mode Dazed, la New-Yorkaise a précisé que son prochain album contiendra un morceau avec Sean Lennon et celui avec The Weeknd, “Lust For Life”, qui donnera son titre au disque. MAIN SQUARE La treizième édition du festival se tiendra du 30 juin au 2 juillet prochains à la Citadelle d’Arras. A l’affiche : Radiohead, La Femme, Lemon Twigs, Mark Lanegan Band, Spoon... MGMT Le quatrième album du duo psychédélique a un titre : “Little Dark Age”. Sa sortie est prévue dans le courant de l’année. MONTEREAU CONFLUENCES Pour sa vingtième édition, le Festival de Montereau-FaultYonne (77) accueillera au Parc des Noues les 9 et 10 juin Trust, Imany, Birdy Nam Nam... MUSE Matthew Bellamy annonce le retour de son trio et l’enregistrement de trois nouvelles chansons, annonciatrices d’un nouvel album “plus acoustique”. NICK OLIVERI Le leader de Mondo Generator sort le 16 juin le deuxième volume de “N.O. Hits At All”, compilation de ses plus hauts faits d’armes, gravés en compagnie de la myriade de groupes auxquels le tumultueux bassiste a participés. La période QOTSA manque cependant au tracklisting. PHOENIX L’élégant quartette français publiera le 9 juin son estival nouvel album, “Ti Amo”. RADIOHEAD Le 23 juin prochain paraîtra chez XL Recordings une réédition de “Ok Computer” célébrant les 20 ans de sa sortie. Figureront en bonus les faces B d’époques et 3 authentiques inédits : “I Promise”, “Lift” et “Man Of War”. THE ROLLING STONES Le groupe de Charlie Watts vient d’annoncer une nouvelle tournée européenne de 13 dates, qui se terminera en France par deux concerts (19 et 22 octobre) à la U Arena de Nanterre, un stade couvert qui sera inauguré pour l’occasion. SALON DU DISQUE DES PUCES Le septième salon du Disque Des Puces se tiendra les 20 et 21 mai prochains au Marché Dauphine à Saint-Ouen. Seront présents une vingtaine de disquaires ainsi que Pierre Terrasson qui dédicacera son livre. STAX RECORDS Pour les 60 ans du célèbre label soul, Concord Music Group et Rhino Entertainment annoncent une grande campagne de rééditions d’albums (Otis Redding, Issac Hayes, Sam & Dave, Albert King, etc.) et de compilations vinyles qui verront le jour tout au long de l’année. THE STRYPES Avant sa prestation au festival Solidays le 24 juin, le gang irlandais a sorti un morceau très bluesy “Oh Cruel World”, préambule à son prochain album “Spitting Image”, prévu le 16 juin. WELCOME TO WOODSTOCK Le légendaire festival américain (gratuit) est à l’honneur dans un spectacle musical (payant) de deux heures, à partir du 15 septembre au théâtre Le Comedia (4, boulevard de Strasbourg, 75010 Paris). TélégrammesPAR YASMINE AOUDI & BASILE FARKAS “L’autre tête de bite de Blur a beau avoir transformé mon frère en gonzesse, croyez-moi, la prochaine fois que je le croise, ce sera la guerre” LIAM GALLAGHER Condoléances J Geils (J Geils Band), Kevin Garcia (bassiste de Grandaddy), Saxa (saxophoniste de The Beat), Victor Lanoux (acteur), Leo Baxendale (auteur de BD), Dick Contino (accordéoniste américain), Lorna Gray (actrice américaine), Allan Holdsworth (guitariste britannique), Bruce Langhorne (musicien folk et guitariste de Bob Dylan) JUIN2017 R&F 009 PHILIPPE CARLY La GALERIE STARDUST met à l’honneur Joy Division et les héros du post punk via une sélection de clichés de ce photographe new wave. L’exposition se tiendra jusqu’au 17 juin prochain (73 rue de Stalingrad, Le Pré-Saint-Gervais) PhotoDR 010 R&F JUIN 2017 authentiques conspuent la fête de la musique et les collectionneurs de disque sont globalement grognons à propos du Disquaire Day. Ce qui n’a pas empêché les gens de passer une bonne journée, de boire des verres au soleil, de faire des rencontres, de se promener et d’assister à quelques concerts sympathiques (Sore Losers chez Gibert, Flavien Berger chez Ground Zero). En ce sens, comme l’affirme le magasin lyonnais Dangerhouse, “il faudrait que ce soit le Disquaire Day tous les jours”. ★ BASILE FARKAS précédant l’événement, plusieurs problèmes ont été soulevés par nos estimés confrères : les majors et leur force de frappe ont tendance à monopoliser l’événement, parfois en créant des objets de collection frelatés (“Barbie Girl” d’Aqua) ou en visant les pauvres fans de Johnny Hallyday ou Mylène Farmer, habitués à débourser des sommes folles. D’autant que, très rapidement, les références du Disquaire Day se retrouvent sur eBay, où certains malins essaient de faire une juteuse plus-value. C’est de bonne guerre : les gens qui aiment le vin râlent contre le beaujolais nouveau, les mélomanes Qui a 70 euros ?En ville DISQUAIRE DAYLe22avrildernier,lesvendeursdevinylesétaientàlafêtepartoutenFrance. Version française du Record Store Day organisé un peu partout dans le monde depuis 2007, la septième édition du Disquaire Day avait lieu le 22 avril dernier dans plus de 260 magasins hexagonaux. Une fête qui met donc à l’honneur les disquaires indépendants du pays. Chaque mois d’avril, labels indé et majors rivalisent d’inventivité en publiant spécialement pour l’occasion des vinyles collectors en pagaille... On comptabilisait ainsi cette année, pas moins de 500 références, un vaste fourre-tout où cohabitaient un double picture-disc de Motörhead, une réédition du premier single de Patti Smith, neuf lives de Peter Hook (c’est beaucoup) mais aussi un brelan d’albums de Spacemen 3 (au grand dam de Jason Pierce et Sonic Boom qui se sont insurgés sur Facebook à ce propos : “Les ventes de ces disques financeront les gens contre lesquels nous sommes en procès”, avant de retirer leur déclaration). Et l’on constate dès le matin que le chaland s’est massivement déplacé : les gens font la queue partout. Les gazettes économiques ont calculé que l’an dernier le Disquaire Day avait rapporté 1,5 millions d’euro. Un bonus non négligeable pour les vendeurs qui font en un samedi le chiffre d’affaires de plusieurs jours. Il faut dire que les prix sont légèrement gonflés. Honnêtement, qui a 70 euros à mettre dans un triple live 2016 d’Iggy Pop ? Certaines références (Air, Pink Floyd, Bowie) sont rapidement introuvables, d’autres au contraire continuent d’encombrer les rayons en fin d’après-midi. C’est le cas du “Pol Pot Pleasure Penthouse” des Brian Jonestown Massacre, soit la réédition en double vinyle des premiers enregistrement du groupe, vendue, gasp, entre 31 et 38 euros ! Dans les jours PhotosBasileFarkas-DR Sore Losers chez Gibert Le Silence De La Rue 012 R&F JUIN 2017 jours auparavant, quatre Belges réellement nés mauvais, prenaient la scène glacée de la Gare des Mines, dans le no man’s land de la porte d’Aubervilliers. Le Wild Classical Music Ensemble donna le ton des festivités : la musique ne devrait pas connaître d’orthodoxie, l’énergie de filtre et la violence de cruauté. L’honnêteté totale d’un groupe composé d’autistes, de trisomiques et de personnes atteintes de déficience mentale, si pure que la norme est honteuse à leur contact, injecta de la magie dans cette zone où les migrants dorment avec les rats. Le Villejuif Underground, dont le chanteur australien est lui-même sans-papiers, possédait tant de coolitude dans son petit doigt — celui enfilé dans un goulot de bouteille pour tout bottleneck — qu’une jeune femme dévora nonchalamment un pamplemousse sur scène en fumant et dansant, pendant que chacun faisait de même, serré dans les premiers rangs. Usé, finit seul la soirée en usant les fûts de sa batterie, les oreilles du public et les cordes de cette guitare jouée à coups de baguette. Moustache, mocassins et cordes de basse filées plat étaient les mots d’ordre de la deuxième soirée à la Gare des Mines. Orval Carlos Sibelius, Dorian Pimpernel, Julien Gasc et Forever 2007 was a really good year. Le croquemitaine de droite s’appelait Nicolas Sarkozy, les Vélib’ étaient regardés avec défiance… Surtout, ce qui allait devenir le label le plus important de France voyait le jour : Born Bad Records. Cinq ans après le début du revival Strokes, le soufflé retombait et les groupes sortant de terre avaient sensiblement durci le ton. JB Wizz Guillot seul dans son label sacerdotal a attrapé la balle au bond, ayant, sur ces 10 dernières années, aidé notre scène nationale à fleurir. Afin de fêter cette PME n’ayant pas déposé le bilan, Born Bad s’est offert 3 jours de festival à Paris avant d’entamer une tournée dans toute la France. Et ça a fait mal. Nés mauvais Rouges les visages, les lumières, le moulin et la zone où s’agite l’aiguille. Le samedi 29 avril, alors qu’un reste de Frustration nous faisait bourdonner l’oreille, gardant au fond des yeux une impression de fosse apocalyptique, cette version mouvante de la porte des enfers, on ne pouvait que constater le chemin parcouru par Jibé et son label : le trône lui appartient. Deux Pavot posent cette question : quand est-ce que la musique de film et les expérimentations françaises 70’s sont devenues un genre au même titre que le western ? A ce jeu, Gasc, avec son côté Playmobil Gendarme et son groupe de snipers, boxe hors catégorie. On prendrait bien le temps d’aborder les nouveaux titres à Clavinet de Forever Pavot mais, déjà, le grand raout se fait entendre : Violence Conjugale, JC Satàn, Cannibale, Cheveu, Usé et Frustration à la Machine du Moulin Rouge, bouquet final plus bruyant qu’un défilé militaire. Cette guerre-là a fait des blessés hilares et heureux. Six heures de rock’n’roll non-stop, un peu plus d’un millier de personnes sachant qu’un mode de vie se choisit aux disques que l’on pose sur la platine, le tout dans la joie, les vêtements déchirés et la bonne humeur. Une bacchanale de fin du monde où le fumoir bouillait autant de la fosse. Une conclusion heureuse pour l’anniversaire d’un label dont l’héritage est déjà immortel, préservé dans la chaleur des rayons de la plus idéale des discothèques : celle de nos mémoires et de nos cœurs. ★ THOMAS E. FLORIN Festival Born Bad : du 18 au 21 mai à Nantes, 19 juillet à Bordeaux, 15 et 16 septembre à Bruxelles, 14 octobre à Metz Le label aventurier fête une décennie d’existence dans toute la France avec un festival à l’affiche entièrement constituée de groupes maison. Cheveu PhotoTitouanMassé Dans la joie, les vêtements déchirés et la bonne humeur BORNBAD RECORDSA10 ANS FEVRIER 2017 R&F 015 PETERBLAKELe concepteur de la pochette de “Sgt. Pepper” et de pléthore d’autres albums évoque ici son admirable travail d’artiste pop. Mesdisques à moi C’est à l’hôtel, rue des Beaux-Arts, où Oscar Wilde vécut ses derniers instants et dans lequel séjournèrent les plus grands, de Dalí à Frank Sinatra en passant par Mick Jagger, Jim Morrison et Serge Gainsbourg, que sir Peter Blake nous reçoit au lendemain du vernissage de son exposition à la Galerie Claude Bernard toute proche. Du haut de ses 83 printemps il est, avec Richard Hamilton, l’un des pères du pop art anglais. Célèbre pour ses peintures, à ranger aux côtés de celles de David Hockney, et pour ses collages empruntés à la culture populaire anglaise, sir Peter Blake est à mettre au panthéon de l’art contemporain au même titre que Warhol et Lichtenstein. Qu’on ne s’inquiète pas nous n’allons pas évoquer son influence déterminante sur les Young British Artistsdont est issu Damien Hirst, un des artistes les plus chers au monde, nous allons nous intéresser à la musique rock au travers de la conception des pochettes de disques réalisées par notre hôte, la plus célèbre étant celle d’une certaine Fanfare Du Club Des Cœurs Solitaires Du Sergent Poivre. Assemblée magique R&F : Au milieu des années soixante, Londres est le centre du monde en ce qui concerne les arts et la musique et vous, vous avez pour galeriste l’un des plus prestigieux : Robert Fraser... Peter Blake : Oui, c’était mon galeriste mais aussi un grand ami des Stones et des Beatles. Et quand j’y repense, c’était aussi leur dealer... R&F : C’est lui qui vous a mis sur le coup pour la pochette de “Sgt. Pepper” ? Peter Blake : L’histoire c’est que les Beatles avaient déjà retenu une pochette pour l’album, faite par un collectif d’artistes néerlandais, The Fool. Robert Fraser, ayant vu la peinture réalisée par The Fool, a dit aux Beatles : “Je pense que vous pouvez avoir quelque chose de différent et de mieux en faisant appel à un artiste reconnu et de qualité.” Ce n’était pas courant en Angleterre de demander à un artiste de travailler sur une pochette de disque. Aux Etats-Unis, des labels de jazz avaient leurs illustrateurs, comme Ben Shahn par exemple, mais pas en Angleterre. Il les a persuadés de me choisir et c’est comme cela que nous nous sommes rencontrés. R&F : Paul avait déjà une petite idée de la pochette ? Peter Blake : Il avait un petit croquis, une simple idée jetée sur le papier, griffonnée... Il avait déjà le concept et, à partir de ça, j’ai travaillé dessus. Les gens s’imaginent que c’est un collage mais ce n’est pas vraiment cela. C’est un véritable tableau, un travail de mise en scène. Ils voulaient une “assemblée magique” qui leur permettrait de réunir toutes les personnes de leur choix, dont ils étaient fans. R&F : Techniquement, comment cela s’est-il organisé ? Peter Blake : Chacun des Beatles a dressé une liste, ainsi que Robert Fraser, ma femme Jane Haworth et moi. Nous avons dû trouver des photographies de tous ces gens, les agrandir à taille humaine, les peindre et coller les papiers sur du carton puis les découper... Ce qui a coûté une fortune!AvecMichaelCooper,lephotographe,nousavonsfixéladernière rangée de personnages contre la toile du mur avec des petits clous et les rangs précédents avaient une petite armature pour les faire tenir debout. On a aussi obtenu les statues de cire des Beatles du musée Madame Tussaud. Ce qui donnait un fond en deux dimensions et un premier plan en trois dimensions, puis nous avons ajoutés tout un tas d’autreséléments,lesstatues...Ilfallaitvraimentquecelaaitunecertaine ampleur, environ trois mètres de haut sur une dizaine de large, afin qu’avec la perspective, cela rende bien pour une pochette carrée. R&F : On a beaucoup dit que cette mise en scène ressemblait à des funérailles... Peter Blake : Non, en fait, les Beatles avaient l’idée que ce serait le groupe Sgt. Pepper qui ferait les tournées à leur place. C’était le concept de départ. Ils avaient déjà fait faire les costumes que maintenant tout le monde connaît. Tout cela avait déjà été fait avant que j’arrive. Mais, dans mon souvenir, je pense que c’est moi qui ai eu l’idée de mettre les fleurs au premier plan, un peu comme dans un jardin anglais où le Sgt. Pepper aurait donné un concert devant cette assemblée magique. Je leur ai aussi dit d’apporter des objets qu’ils avaient chez eux. George Harrison est venu avec une statue qui était dans son jardin, le Buddha. Paul a apporté des instruments de musique. Moi j’ai apporté deux ou trois petites statues et la déesse indienne... RECUEILLI PAR PATRICE GUINO “Je n’ai touché que 200 livres” PhotoDR 016 R&F FEVRIER 2017 R&F : Et le pull Welcome The Rolling Stones ? Peter Blake : C’est ma femme, Jane, qui a fait ça. A l’époque, il y avait une rivalité, une fausse rivalité, entre les Beatles et les Rolling Stones. Et donc l’idée était d’avoir un fan des Rolling Stones au concert des Beatles. C’était un petit clin d’œil, une blague. De toute façon, lors del’enregistrementdudisque,MickJaggervenaitsouventavecMarianne Faithfull. Il ne jouait pas mais regardait ce qui se passait. Les Stones, deleurcôté,ontfait“TheirSatanicMajestiesRequest”,avecunepochette psychédélique en relief qui était supposée enterrer complètement celle de“Sgt.Pepper”.Malheureusementpoureux,cefutunéchectotal(rires)! R&F : Auriez-vous imaginé que cette pochette devienne un jour aussi mythique ? Peter Blake :Franchement,non.Certes,lesBeatlesétaientleplusgrand groupe à l’époque, mais moi je n’étais là que pour faire mon travail. De plus, j’étais davantage fan des Beach Boys. L’idée de départ était de faireundoublealbum,avecunepochetteouvrante,cequines’étaitjamais faitauparavant.L’albumdevaitinclurelesdeuxtitres“StrawberryFields Forever”et“PennyLane”maisceux-cisontsortisensingle(àlademande de la maison de disques — NdA) et les Beatles ont été à court de titres à la fin des séances. Ils se sont donc retrouvés avec une pochette double maisiln’yavaitqu’unseuldisque.LesBeatlesétaienttellementpopulaires etpuissantsqu’àl’époqueilspouvaientquasimentfairecequ’ilsvoulaient. Voussavez,lesAnglais,aumomentdeNoël,disposentunegrandechaussette près de la cheminée dans laquelle ils mettent des cadeaux. Aussi, mon idée était de joindre à l’album un goodie bag. On aurait mis quelques friandisesdedans,desbabiolesetchaqueacheteurseraitrepartiavec.Mais la maison de disques a posé son veto et nous a dit que là, on allait trop loin (rires). Alors on a simplement ajouté l’encart avec le sergent Poivre, le galon, les moustaches... que l’on pouvait découper et monter chez soi (TheFools’estseulementcontentédedessinerl’insertquicontientledisque). R&F : Pour votre première pochette de disque on peut dire que c’est un coup de maître... Pourtant vous n’avez touché que 200 livres ! et paraît-il sans le moindre contrat... Peter Blake : Il est vrai que je n’ai touché que 200 livres mais il y a bien eu un contrat... que je n’ai pas vu. C’est Robert Fraser qui s’en est occupé. S’il avait négocié un pourcentage sur les ventes, je serais devenu millionnaire ! Mais de toute façon, il aurait signé n’importe quoi, il était tout le temps défoncé. Le problème c’est qu’il a abandonné les droits, ce qu’il n’aurait jamais dû faire. J’ai tenté différentes procédures parce qu’à un moment j’étais vraiment dans une situation financière délicate, mais il a été jugé qu’il était mon agent et pas seulement mon galeriste, donc je ne pouvais pas recouvrer les droits sur mon travail. D’ailleurs, pour être plus précis, les 200 livres ont dû être partagés entre nous et je n’ai pas reçu un centime de plus. Apple a toujours refusé de me donner un complément qui m’aurait bien servi pendant une période qui a été assez difficile pour moi... Il y a parfois des écoles qui m’écrivent pour me demander l’autorisation d’utiliser la pochette mais je n’ai aucun droit et je dois les renvoyer vers Apple. Neil Aspinall gérait le catalogue d’une main de fer. On peut comprendre qu’il défende les intérêts de son groupe, c’est normal, c’est son job et il le faisait très bien. Maintenant il est mort, et pour moi c’est du passé. Financièrement ça va, je n’ai plus besoin de cet argent. “C’est un véritable tableau, un travail de mise en scène” PhotoMichaelCooper-DR
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